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- Lutte ouvrière n°2235
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L'arrestation de Ratko Mladic : Passeport pour l'adhésion de la Serbie à l'Europe ?
Jeudi 26 mai, Ratko Mladic, dénommé le boucher des Balkans, a été arrêté. Il s'est vu signifier son inculpation pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité pendant la guerre de Bosnie entre 1992 et 1995, par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).
Depuis son inculpation en 1995, pendant seize ans Ratko Mladic a échappé au mandat d'arrêt international lancé contre lui. Il a d'abord bénéficié de la protection de l'armée serbe puis, jusqu'à la chute du régime de Slobodan Milosevic en 2000, d'une complicité évidente des autorités qui lui aurait permis de séjourner sans être inquiété, au coeur même de Belgrade.
Le gouvernement serbe actuel nie toute complicité dans cette cavale, arguant des « changements démocratiques » survenus. Une seule chose est certaine, c'est que la Serbie a déposé à la fin de l'année 2009 son dossier de candidature à l'entrée dans l'Union européenne, mais que les dirigeants européens ont mis comme condition à cette adhésion l'arrestation de Ratko Mladic.
Le « grand obstacle » à l'adhésion de la Serbie, comme l'a qualifié le commissaire européen à l'élargissement, vient donc d'être levé comme par enchantement. Le procureur du TPIY a apprécié que Belgrade ait ainsi rempli « une de ses obligations internationales ». Quant à Sarkozy, il a pu souligner qu'avec l'arrestation de Ratko Mladic « une étape vers l'intégration de la Serbie à l'Union européenne » venait d'être franchie.
Ratko Mladic est sans conteste un assassin sanguinaire qui mérite son surnom de boucher des Balkans. Outre ses responsabilités militaires dans le siège meurtrier de Sarajevo pendant plus de quatre années, il était en effet le chef des milices armées serbes de Bosnie-Herzégovine qui, le 1er juillet 1995, entrèrent dans l'enclave de Srebrenica pour y procéder à une véritable « purification ethnique ». Pendant les jours qui suivirent, la population fut triée, les hommes séparés des femmes et des enfants, avant l'extermination en quelques jours seulement de huit mille hommes adultes et adolescents !
Ratko Mladic va donc maintenant être jugé par le TPIY, en même temps que l'ex-dirigeant de la République serbe de Bosnie-Herzegovine Radovan Karadzic. Mais ces jugements du Tribunal pénal international institué par les grandes puissances sont de leur part un moyen d'esquiver leurs propres responsabilités politiques. Mladic est un criminel mais les forces de l'ONU étaient au courant de la préparation du crime. Depuis 1993 Srebrenica était placée sous leur protection. Au moment de l'entrée de Mladic, c'est un général français, le général Janvier, qui commandait aux soldats de l'ONU. Toutes ces forces prétendument présentes, comme d'habitude, au nom d'une intervention humanitaire, n'ont rien fait pour éviter la tuerie, abandonnant l'enclave aux forces armées serbes et la population aux assassins.
L'hypocrisie de toute cette affaire est écoeurante. Quand l'ancienne Yougoslavie - où Serbes, Croates, Bosniaques, etc. cohabitaient - a commencé à se déchirer sous la pression des démagogues nationalistes, les grandes puissances ont sauté sur l'occasion en espérant acquérir de nouvelles zones d'influence et gagner quelques marchés. Leur intervention ensuite visait à surveiller le processus en sauvegardant leurs intérêts, dans l'indifférence totale pour le sort de la population, quand même elle ne consistait pas à la bombarder. Il ne suffira pas de condamner Mladic et Karadzic pour solder ce compte sanglant.