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- Lutte ouvrière n°2224
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Les licenciements des mineurs après les grèves de 1948 enfin jugés abusifs
Après des années de bagarres juridiques, les 17 mineurs - ou femmes de mineurs décédés - qui avaient porté plainte devant les Prud'hommes pour licenciements discriminatoires lors des grèves de l'après-guerre, ont enfin obtenu la reconnaissance qu'ils réclamaient. Tel est le jugement qu'a rendu la cour d'appel de Versailles jeudi 10 mars, 63 ans après les faits.
Après la loi d'amnistie de 1981, les 3 000 mineurs licenciés par les Houillères en 1948 et 1952 - ceux du moins qui étaient encore en vie - ont été réhabilités. C'était la contrepartie sociale de la réhabilitation complète par Mitterrand des généraux putschistes de la guerre d'Algérie, qui ont tout récupéré, droits et rémunérations. Mais si les mineurs ou leurs veuves étaient réhabilités, ils n'étaient pas rétablis dans leurs droits, notamment rien n'était prévu pour les indemniser de la perte de leur salaire pendant les années de chômage, ainsi que de la perte du logement, du charbon et des soins gratuits auxquels ils avaient droit. Jusqu'au jugement de la cour de Versailles, les tribunaux invoquaient que les demandes des mineurs étaient prescrites car déposées plus de trente ans après les faits.
La bourgeoisie et ses gouvernements ont la vengeance tenace. Ces mineurs avaient été licenciés en 1948 après neuf semaines d'une grève très dure dans tous les bassins miniers. Cette grève avait été décidée à une large majorité des 320 000 mineurs, avec la seule CGT, contre des décrets qui prévoyaient le licenciement de 10 % des salariés travaillant en surface, ainsi que des mesures disciplinaires, dont le licenciement pour absentéisme. Le ministre de l'Industrie et du Commerce, le socialiste Robert Lacoste, en avait la responsabilité.
L'armée fut envoyée pour réprimer les mineurs, ainsi que les CRS sous les ordres du ministre de l'intérieur Jules Moch, socialiste lui aussi. La répression fut brutale, trois mineurs furent tués dans le Nord et un dans l'Est. Et un millier de grévistes furent emprisonnés pendant des semaines. Les meneurs furent pourchassés et les 3 000 licenciés inscrits sur des listes noires pour qu'ils ne puissent trouver de travail dans les grandes entreprises.
C'est pourquoi ce jugement tenait particulièrement à coeur aux mineurs et aux veuves qui ont porté plainte. Mais qui paiera les 30 000 euros d'indemnités par plaignant accordés par le tribunal, alors que les Houillères ont été liquidées et que jusqu'à présent l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM), qui en a hérité, ne reconnaît pas sa responsabilité ?
Mais au-delà de ces indemnités, c'est un combat pour leur dignité que ces anciens mineurs ou leur famille sont en train de gagner.