La spéculation à l'oeuvre : Faire du fric avec des larmes16/03/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/03/une-2224.gif.445x577_q85_box-0%2C9%2C172%2C231_crop_detail.png

Japon

La spéculation à l'oeuvre : Faire du fric avec des larmes

Alors que la population japonaise se bat pour essayer de sauver ce qui peut l'être, les têtes pensantes du capitalisme, armées de tous les moyens qu'offre la technique, cherchent comment tirer profit de la catastrophe.

Si, par exemple, des « spécialistes » de l'énergie se demandent comment le Japon va pouvoir se procurer le courant électrique et l'essence nécessaires, alors qu'une partie des centrales et des raffineries sont hors d'usage, ce n'est pas pour tenter d'aider au mieux ce pays. C'est pour savoir s'il faut spéculer sur le gaz, le gaz liquéfié ou le pétrole, dans quelles proportions et à quelle échéance. Ayant évalué que le Japon serait dans l'obligation d'importer rapidement du gaz, les spéculateurs, c'est-à-dire les grandes banques, se sont rués sur le gaz, en faisant monter le prix.

Tous les secteurs de l'économie sont l'objet de tels choix, depuis les centrales nucléaires japonaises, dont l'action s'effondre évidemment, jusqu'aux entreprises de travaux publics qui voient le cours de leurs actions s'envoler à la perspective des chantiers de reconstruction. L'avenir de la production automobile japonaise, de l'électronique mondiale, dont le Japon est un chaînon indispensable, alors que de nombreuses usines sont fermées, de l'assurance, qui va devoir lâcher quelques sous, etc. est ainsi évalué. Pas pour prévoir ce qui est le meilleur pour le bien commun, même pas pour essayer d'améliorer leur capacité à produire des profits, mais uniquement parce qu'une prévision correcte, plus exactement un pari réussi, permet d'espérer une spéculation fructueuse.

La parité du yen face aux autres monnaies fait l'objet de débats contradictoires : le fait que l'État japonais ouvre les vannes du crédit conduirait à une baisse ; le rapatriement de capitaux japonais conduirait à une hausse. Les spéculateurs se demandent donc s'il leur faut, aujourd'hui, acheter ou vendre à terme des milliards, des centaines de milliards de yens, pour gagner quelques pour-cent en quelques jours. Le fait de savoir si les réfugiés auront les quelques yens nécessaires pour survivre n'entre pas dans leurs calculs.

Les grandes banques internationales spéculent sur le malheur de la population japonaise exactement comme elles spéculent sur la faim en jouant sur les cours des céréales. Au minimum la spéculation entraînera un surcoût payé en définitive par les travailleurs japonais. Au pire, cette spéculation, ajoutée à toutes les autres, sera celle de trop, celle qui fera exploser le système financier.

Cette attitude de cannibales n'est pas réservée à une poignée de spéculateurs sans morale, c'est le mode de vie de tout le système capitaliste, car tout le capital passe et repasse par les circuits financiers. Et il doit obligatoirement y faire des petits, sous peine de disparaître. À la Bourse de Tokyo elle-même, secouée par les tremblements de terre, menacée de coupures d'électricité, des traders qui ne savent pas s'ils auront un train pour rentrer chez eux, et si demain la pluie sera radioactive, se livrent à ce genre de calculs. C'est leur métier...

Le capitalisme ne peut pas vivre sans que fonctionnent les marchés financiers, quitte à faire périr le monde entier.

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