Togo : Un pays pillé par les multinationales françaises06/05/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/05/une1918.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Togo : Un pays pillé par les multinationales françaises

Trois jours durant, après l'annonce, le 26 avril, des résultats provisoires de l'élection présidentielle au Togo, la population laborieuse de Lomé, d'Aného et de plusieurs autres villes de province a manifesté sa colère après l'élection de Faure Gnassingbé, le fils du dictateur Gnassingbé Eyadéma récemment décédé. Même si le fils se proclame élu avec plus 60% des suffrages, les manifestants ne sont pas dupes de la mascarade qui a tenu lieu de scrutin et expriment précisément leur révolte devant la fraude ouvertement instituée par les partisans de Faure Gnassingbé, même travestie en élection «démocratique». Les Togolais pauvres qui sont descendus dans la rue depuis plusieurs semaines expriment leur ras-le-bol de la dictature que le fils perpétue après la disparition du père. La répression brutale de l'armée et des forces de l'ordre a déjà causé la mort d'au moins une trentaine de personnes et de nombreux blessés, ainsi que des milliers de réfugiés qui ont fui le Togo vers le Bénin voisin ou vers le Ghana.

Mitterrand, lorsqu'il était au pouvoir, était un ami du dictateur togolais, tandis que Chirac a récemment déclaré à sa mort avoir perdu «un ami personnel» et «un ami de la France». Tous les présidents français successifs ont fermé les yeux sur la brutalité du pouvoir et la terreur qu'exerçait la dictature togolaise sur la population.

Le dictateur Gnassingbé Eyadema a vendu son pays à tous et notamment à ses amis français. Son fils, Faure Gnassingbé, a le soutien de l'armée et a bien l'intention de continuer dans la même voie et de choyer notamment les intérêts des sociétés françaises présentes dans le pays dont Total, Elyo, AXA, AGF, Air France, Castel, Colas, Satom, le groupe Accor, le groupe Bolloré. Un document émanant du ministère des Affaires étrangères ajoute «les entreprises françaises sont globalement satisfaites de l'environnement des affaires, d'autant que la poursuite du programme de privatisation est toujours d'actualité et pourrait favoriser tant le volume des échanges que les parts de marché de la France».

La France est l'un des premiers partenaires commerciaux du Togo. Si elle exporte des produits raffinés pétroliers, des préparations pharmaceutiques, du matériel de télécommunication, des automobiles, elle importe surtout des produits agro-alimentaires. Le Togo est devenu un enjeu économique important pour les multinationales françaises notamment dans l'acheminement des productions agricoles et minières des pays sahéliens de l'intérieur de l'Afrique de l'Ouest, du Burkina au Mali, qui transitaient auparavant par la Côte-d'Ivoire, aujourd'hui en guerre civile. Le Togo détient le seul port en eau profonde -Lomé- de toute la côte africaine de l'Ouest où peuvent accoster les grands cargos.

Si les amis français de la dictature se sont enrichis - et continuentde le faire-, le clan des Gnassingbé père et fils s'est largement servi au passage et s'est taillé une bonne part du gâteau. Les recettes fiscales et douanières de l'État togolais sont, par exemple, versées dans un compte unique placé sous le contrôle du dictateur. Détournements et gaspillages des fonds publics au profit des familiers du régime sont la règle, au détriment des salaires, des retraites des agents de l'État. Les sociétés d'État sont victimes d'un racket de la part des caciques du régime qui, sous le couvert de prête-noms, envoient l'argent détourné sur des comptes en banque à l'étranger. Au port autonome de Lomé, le directeur prélève des millions de francs CFA (1000 francs CFA = 5 euros environ) par semaine, plus d'un milliard par an au profit des hiérarques du régime. Soixante-dix millions de francs CFA sont perçus par mois sous forme de taxe sur les ventes de véhicules par un réseau familial proche du chef de l'État. Les marchés publics sont truqués au profit de parents et amis du dictateur. Les ressources de la Caisse nationale de sécurité sociale sont détournées au détriment des travailleurs togolais. Les mêmes réseaux politico-mafieux où se mêlent intérêts togolais et français se disputent les milliards de francs CFA de la privatisation de la Société Togolaise de Coton. À ce pillage des ressources de l'État s'ajoute le pillage des richesses naturelles.

Parallèlement, le système sanitaire et éducatif est déliquescent. Les hôpitaux manquent de tout, les salaires et les retraites ne sont pas versés, les bourses des étudiants ne sont pas payées, la population croupit dans la misère dans les bidonvilles ou à la campagne. Les ouvriers sans travail et les paysans fuyant la pauvreté s'entassent dans les courées des villes, mangent une fois par jour, subissent la misère et la répression. Car, par ailleurs, le clan Gnassingbé contrôle directement les forces de répression, garde présidentielle, police, gendarmerie, armée et une justice particulièrement aux ordres

Telle est la réalité du Togo d'aujourd'hui dont la dictature est soutenue par la France et qui explique la colère de la population pauvre.

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