- Accueil
- Lutte ouvrière n°1918
- Dans notre courrier : L’administration contre les étrangers
Divers
Dans notre courrier : L’administration contre les étrangers
Régulièrement, des manifestations ont lieu en solidarité avec tous ceux qui sont victimes du refus opposé par le gouvernement à tous les travailleurs immigrés qui demandent, parfois depuis des années, que leur situation soit régularisée.
Régulièrement aussi, la presse rapporte la façon dont des immigrés sont expulsés, renvoyés dans leur pays à peine arrivés ici, ou après avoir été retenus pendant des jours, voire des semaines, dans des centres de rétention, aux conditions de séjour indignes d'un pays qui se prétend le champion de la civilisation.
Mais même ceux qui vivent depuis des années en France, qui y travaillent et qui devraient pouvoir obtenir sans difficulté des papiers et une naturalisation lorsqu'ils la demandent, se heurtent à l'arbitraire de l'administration du gouvernement français qui refuse, fait traîner en longueur, agit de façon discrétionnaire ainsi qu'en témoigne par exemple cette lettre:
«Lectrice de votre journal depuis de nombreuses années, je voudrais dénoncer l'attitude honteuse de l'administration vis-à-vis des étrangers en France.
J'ai une amie algérienne qui souhaite être naturalisée française et qui n'y parvient pas. Elle est aujourd'hui menacée d'être renvoyée en Algérie. Elle est mère de trois enfants dont un est scolarisé en France, les deux autres étant toujours en Algérie. Le mari sans papier n'a pas de travail et mon amie est contrainte de faire des petits boulots. Ils vivent chez sa mère dans un tout petit appartement. Les services sanitaires refusent de prendre en compte le mauvais état de santé de la mère, nécessitant la présence d'une aide à domicile, qui pourrait être sa fille.
Mon amie a 42 ans, a été élevée en France où elle vivait avec ses parents en Normandie. Elle ne pouvait pas sortir et aller à l'école de peur de rencontrer des gens et n'a donc pas été à l'école. C'était tout de suite après la fin de la guerre d'Algérie. Elle a appris le français seule, ainsi qu'à lire, écrire et compter. À l'adolescence, son père l'a renvoyée en Algérie pour être mariée. Dès qu'elle a pu, elle est revenue en France car elle s'y sent libre, en tout cas, plus libre qu'en Algérie.
Au service des naturalisations de la préfecture de Bobigny, le délai d'attente d'un rendez-vous simplement pour déposer un dossier de demande de naturalisation est de deux ans (les rendez-vous sont fixés à début 2007).
Mais rien que pour déposer un dossier, c'est le parcours du combattant. D'abord, il faut une carte de séjour. Celle-ci s'obtient au bout de cinq ans si on est marié avec enfants scolarisés ou dix ans pour un célibataire.
Mon amie a déjà eu une carte de séjour avant de retourner en Algérie se marier. Mais aujourd'hui, elle doit tout recommencer à zéro. Ensuite, il faut la deuxième carte de séjour, celle valable dix ans et qui est remise après cinq ans d'obtention de la première carte. Pour obtenir cette deuxième carte, il faut qu'un membre de la famille soit français, il faut avoir un logement et un travail!
Enfin, le dossier de demande de naturalisation peut être déposé après avoir attendu deux ans un rendez-vous!
Il est inadmissible de traiter des personnes de cette façon, comme si moi qui suis née en France par le hasard des déplacements de mes parents, j'avais plus de mérite que mon amie, contrainte de galérer en attendant la nationalité française.»