Renault : Plus ça change, plus c’est la même chose06/05/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/05/une1918.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Renault : Plus ça change, plus c’est la même chose

Louis Schweitzer, PDG de Renault depuis 1992 vient de passer officiellement les rênes du groupe à Carlos Ghosn. Mais loin de constituer une rupture prévisible dans la politique de l'entreprise, cette passation de pouvoir apparaît déjà comme un changement dans la continuité.

D'ailleurs, tout en déclarant «J'ai largement de quoi m'occuper quand je serai à la retraite, ma femme n'a rien à craindre», Louis Schweitzer devient le président du Conseil d'administration de Renault, dont Ghosn ne sera que le président de la direction générale opérationnelle, séparation de pouvoirs entérinée par l'assemblée générale des actionnaires. L'ancien patron rassure pourtant son successeur: «Dans une firme automobile, il n'y a pas de stratégie globale qui puisse être différente de la stratégie opérationnelle, le vrai patron ce sera lui». On appréciera toute l'ambiguïté du propos...

C'est en 1986, année où les élections législatives privèrent de leur poste le Premier ministre Fabius et son directeur de cabinet Schweitzer, que ce dernier prit pied chez Renault, à la direction financière. Le début des années 80 avait déjà vu la Régie d'alors se séparer d'activités jugées peu rentables, les cycles Gitanes, les tondeuses à gazon Bernard Moteurs, le loueur Europcar, la filiale American Motors et diminuer de 20000 les effectifs de la maison-mère. Le PDG Georges Besse, en 1985, avait annoncé une accélération de la politique de réduction des effectifs (encore 20000 emplois de moins entre 1985 et 1992). Devenu PDG à la suite de Raymond Lévy, qui venait de fermer l'usine de Billancourt, passée en à peine vingt ans de 24000 à 1200 ouvriers, Schweitzer continua dans cette voie en cédant Renault Agriculture, avant de lancer la privatisation de l'entreprise en 1994, d'ouvrir son capital et d'en proposer quelques actions aux salariés. C'est en 1996 que Carlos Ghosn, repéré pour son «redressement» des usines Michelin des États-Unis, était embauché comme directeur général adjoint.

Symbolique de la politique «sociale» du patronat de l'automobile, la fermeture de l'usine belge de Vilvorde jeta sur le trottoir 3000 ouvriers, tandis que Jospin laissait faire. La décision était assumée par Schweitzer même si certains directeurs se plaisaient à la croire inspirée par Ghosn, suivi par une réputation de «chasseur de coûts». La Mégane y coûtait, disait la direction, 30% plus cher qu'à l'usine de Douai...

L'année suivante, Renault ouvrait à Guyancourt, dans la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, le Technocentre qui devait regrouper progressivement les bureaux d'études, ingénieurs, techniciens, dont le but avoué était de parvenir à réduire d'un tiers le temps de montage d'une voiture... et le personnel à l'avenant. Successivement, en 1999 et 2000, Renault s'offrit 37% de Nissan au Japon (aujourd'hui 44%), Dacia en Roumanie et Samsung en Corée du Sud. L'envoyé de Renault chez Nissan fut Ghosn, ce qui coûta aux travailleurs nippons 21000 suppressions de postes et la fermeture de cinq usines.

Pendant que les salaires restaient quasiment bloqués sous prétexte de dépenses réalisées dans les différentes acquisitions de Renault, le groupe Renault-Nissan continuait sa politique de réduction des effectifs à tous les niveaux, de la conception à la commercialisation en passant par la production; parallèlement, la pression sur les entreprises de sous-traitance et le recours au travail précaire se développaient.

En même temps les dirigeants de Renault investissaient en Russie, au Maroc, en Iran, puis récemment en Inde.

Les salariés Renault dispersés à l'échelle des cinq continents subissent tous la même politique décidée par les Ghosn et les Schweitzer. Il est à souhaiter qu'ils en tirent une conscience commune et une solidarité dans leurs luttes. Ce serait bien le seul aspect positif des «stratégies» des dirigeants de Renault.

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