Aide alimentaire : la faillite d’une société06/09/20232023Journal/medias/journalarticle/images/2023/09/P3-1_restos_coeur_OK_Lupo_.jpg.420x236_q85_box-157%2C0%2C643%2C273_crop_detail.jpg

Leur société

Aide alimentaire : la faillite d’une société

En annonçant, le 3 septembre sur TF1, que les Restos du cœur étaient au bord de la faillite, leur président, Patrice Douret, a jeté un pavé dans la mare et déclenché des réactions hypocrites du côté des ministres, de la grande distribution ou du milliardaire Bernard Arnault.

Illustration - la faillite d’une société

« L’inflation est une violence inouïe », a dénoncé Patrice Douret. Elle empêche des hommes et des femmes en nombre croissant d’acheter leur nourriture quotidienne, les obligeant à pousser la porte des Restos du cœur, de la Croix-Rouge, du Secours populaire ou des autres associations caritatives. L’inflation renchérit tous les frais de ces associations, coût du stockage ou du transport, coût des achats de la nourriture et des produits de base qu’elles distribuent. Ce budget a doublé en un an. Le bénévolat de ceux qui organisent la distribution et la générosité des donateurs individuels ne suffisent pas à faire face aux demandes. Les Restos du cœur et les autres, qui tentent de suppléer aux ravages d’une société qui produit la misère, ne peuvent vivre sans les subventions publiques ou les donations d’entreprises, en particulier la grande distribution. Ces aides n’étant pas à la hauteur des besoins, 150 000 bénéficiaires pourraient être radiés avant l’hiver.

L’appel à l’aide des Restos « aux forces économiques », suivi de celui de la Croix-Rouge, met en lumière l’extension de la pauvreté. Sur les huit premiers mois de cette année, les Restos du cœur ont inscrit plus de bénéficiaires, 1,3 million, que durant toute l’année 2022 ! Ces personnes font partie des dix millions obligées de survivre avec moins de 1 100 euros par mois, le seuil de pauvreté en France. Derrière ces chiffres froids, il y a des retraités dont les pensions, après une vie de travail, ne permettent pas de manger en plus de se loger, des travailleurs précaires ou à temps partiel mais aussi souvent en CDI, des chômeurs en attente de leur indemnité, des étudiants sans ressource et sans revenu, des femmes qui élèvent seules leurs enfants, autant de personnes qui contribuent ou ont contribué au fonctionnement de la société.

Cela rend particulièrement cynique la réaction des « forces économiques », c’est-à-dire des entreprises qui sous-payent leurs salariés pour mieux gaver leurs actionnaires. Ainsi la famille de Bernard Arnault, roi du luxe et première fortune mondiale, a annoncé un don de 10 millions d’euros. Ramenée à la fortune familiale, cette somme équivaut à un don de 50 centimes pour quelqu’un qui aurait économisé 10 000 euros sur son livret A… Aurore ­Bergé, ministre des Solidarités, s’est pourtant empressée de remercier le milliardaire, avant de promettre 15 millions d’euros aux Restos du cœur. Du côté des enseignes de la grande distribution, Carrefour et Intermarché annoncent un doublement des jours de collectes et des dons supplémentaires de produits. À tous égards, cette annonce est plus un coup publicitaire qu’un élan de générosité. Depuis une loi de 2016, les magasins alimentaires sont obligés de donner leurs invendus à des associations caritatives.

Mais, surtout, ce sont ces géants de la grande distribution, en rivalité avec les industriels, qui fabriquent l’inflation en augmentant leurs prix et qui rackettent la population. « Voler en grand et restituer en petit, voilà la philanthropie » : cette formule du socialiste Paul Lafargue n’a pas pris une ride.

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