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Leur société
La Sécurité sociale en Alsace-Moselle : Un régime local en régression
En Alsace-Moselle existe un "régime local" de Sécurité sociale accessible aux salariés travaillant dans des entreprises situées dans les deux départements alsaciens et celui de la Moselle, ou travaillant dans des entreprises dont le siège social est situé dans ces trois départements -mais dans ce dernier cas, encore faut-il le savoir. C'est un héritage de l'annexion par l'Allemagne de 1871 à 1918, période pendant laquelle, à partir de 1883, le gouvernement de ce pays avait fait voter un certain nombre de "lois sociales", destinées entre autres à essayer de limiter l'influence grandissante du mouvement socialiste.
En 1919, lors du retour à la France de ce qui avait constitué pendant presque cinquante ans le "Reichsland Elsass-Lothringen" (territoire d'empire d'Alsace-Lorraine), le gouvernement français choisit de maintenir "à titre provisoire" un certain nombre de dispositions héritées de la législation allemande (ou de la législation française d'avant 1870). En effet, contrairement à la légende patriotique, toute la population n'accueillit pas avec des cris d'enthousiasme le "retour à la mère patrie". Des dizaines de milliers de personnes (et pas seulement parmi celles qui étaient venues du reste de l'empire allemand) furent expulsées. Un courant autonomiste ayant une certaine influence subsista pendant des années. La France ne consulta pas plus les populations sur ce qu'elles souhaitaient que la Prusse ne l'avait fait en 1871. Mais elle maintint le Concordat, qui fait des curés, pasteurs et rabbins, des fonctionnaires. Il s'agissait de pouvoir s'appuyer sur les différents clergés. Elle maintint aussi, entre autres choses, pour ne pas donner des motifs supplémentaires de mécontentement à la population, le régime d'assurances sociales hérité de l'Allemagne.
Après 1945, et après que l'Alsace et la Moselle eurent refait un aller et retour germano-français, la "Sécurité sociale" étant née, le régime local d'assurances sociales fut transformé en un régime complémentaire, dont les remboursements venaient s'ajouter à ceux du régime général.
Le régime local permet aux assurés sociaux qui en bénéficient d'être nettement mieux remboursés que dans le reste du pays. Mais malgré tout, ce régime local suit la dégradation générale: les cotisations (1,8% du revenu, en plus des prélèvements pour le régime général) ont augmenté de 0,10 point au 1erjanvier dernier et les médicaments sont moins bien remboursés depuis le 1erseptembre. Ceux à vignette bleue ne sont plus remboursés qu'à 80% (contre 90% auparavant), le régime local en remboursant 45% et le régime général 35%. Ceux à vignette orange, parmi lesquels 107 veinotoniques, ne le sont plus qu'à 15%, en attendant de ne plus être remboursés du tout en 2008.
Le président du régime local se défend en expliquant que le ticket modérateur de 18 euros sur les actes de chirurgie lourde, ainsi que le forfait hospitalier, sont toujours pris en charge. Certes, mais le régime local suit le régime général vers le bas: moins de prestations et plus de cotisations.
Signe des temps, Villepin, en 2006, n'est même pas capable de faire aussi bien que Bismarck il y a plus d'un siècle!