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Japon : Seuls les hommes ont droit au trône!
Mardi 12 septembre, le nouvel héritier du "trône du Chrysanthème", c'est-à-dire l'éventuel futur empereur du Japon, a reçu le nom de Hisahito. Hisa signifie "éternité" et "sérénité"; quant à Hito, "homme vertueux", c'est un nom qui accompagne habituellement le prénom des garçons de la famille impériale. Cet Hisahito se place en troisième position des prétendants au trône derrière son oncle, le prince héritier Naruhito, 46 ans et son père, le prince Akishino, 40 ans. Première conséquence de cette naissance: le projet de permettre à une fille d'occuper le trône est tombé à l'eau!
En effet, en l'absence d'un jeune héritier mâle, il était envisagé d'ouvrir aux femmes la succession au trône du Japon, comme c'est possible en Grande-Bretagne ou en Espagne. Mais cette naissance a renvoyé ce problème aux calendes. Et la tradition a repris ses droits. L'attribution d'un prénom au nouveau-né s'est déroulée une semaine après sa naissance. Dans cinquante jours, on le présentera dans un sanctuaire shintoïste et la première fois qu'il mangera avec des baguettes donnera lieu à une cérémonie. Tout cela fleure bon le régime féodal, dont le peuple japonais n'a jamais été totalement débarrassé.
En fait, l'actuel système impérial date de "la révolution Meiji" de 1868. Meiji signifie le "gouvernement des lumières". C'est aussi le nom posthume donné à l'empereur Mutsuhito qui en fut l'artisan, et qui régna de 1867 à 1912, quand la classe féodale japonaise s'adapta au monde capitaliste qui, de son côté, essayait alors d'étendre son emprise sur l'Asie.
C'est depuis cette époque que l'empereur a pour fonction de légitimer les décisions prises en son nom par les ministres, qu'on prétend -au détriment de toute vérité historique- que l'empereur est issu d'une filiation unique depuis 2600 ans et que les femmes perdirent le droit de devenir impératrice, contrairement à ce qui avait été possible dans le passé.
Lors de la défaite du Japon, en 1945, ce système réactionnaire aurait dû passer à la trappe. Mais les États-Unis, qui occupèrent alors le Japon pour le faire passer dans leur zone d'influence, choisirent tout au contraire de le maintenir.
De même que la prétendue "croisade contre le fascisme" en Europe laissa en place les dictatures de Franco et Salazar dans la péninsule ibérique, celle contre les "puissances de l'axe", dont le Japon faisait partie, déboucha sur le maintien du régime impérial.
La constitution de 1946, rédigée sous l'influence des États-Unis, décréta la séparation de l'État et de la religion officielle, le shintoïsme, accorda le droit de vote aux hommes et aux femmes, laissa la possibilité aux députés de renverser le gouvernement. Mais pour l'empereur, si elle supprimait ses "attributs divins", elle lui maintint le droit de nommer le Premier ministre. Et même si cette nomination tenait compte des élections législatives, le nouveau Premier ministre reste investi par l'empereur lors d'une visite au palais impérial.
Même si les pouvoirs de l'empereur sortaient réduits par rapport à la période d'avant guerre, les États-Unis, qui se méfiaient d'une réaction de la classe ouvrière japonaise, choisirent de préserver tout ce qui pouvait jouer un rôle de conservation sociale.
Et c'est pourquoi, soixante ans après, les simagrées réactionnaires de la monarchie japonaise peuvent à l'occasion s'étaler dans les journaux et les télévisions du monde dit démocratique.