Les plus forts ne seront pas toujours les mêmes12/08/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/08/une1880.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Les plus forts ne seront pas toujours les mêmes

Depuis la fin juin, des camarades de Lutte Ouvrière consacrent une partie de leurs vacances à organiser des caravanes, du type caravanes publicitaires, pour populariser nos idées, les défendre et surtout pour rencontrer la population des villes ouvrières. Ils parcourent pratiquement toutes les régions de France. Ils s'arrêtent de ville en ville pour installer, avec l'autorisation des mairies, un parasol de marché. Ils veulent discuter avec le maximum d'habitants, faire connaître nos idées, notre programme et les revendications de la classe ouvrière que nous considérons indispensables.

Partout, nous avons pu réellement nous rendre compte que tous les travailleurs n'étaient pas partis en vacances. Même l'industrie du tourisme, les hôteliers des bords de plage ou d'ailleurs ressentent le fait que les classes populaires vont de moins en moins en vacances ou, même si elles y vont, c'est de moins en moins longtemps.

Ce ne sont évidemment pas les hôteliers et restaurateurs, à qui le gouvernement vient de faire des cadeaux, que nous plaindrons. Mais c'est quand même l'indice que les conditions d'existence des travailleurs se détériorent.

Nos camarades ont rencontré ceux qui travaillent durant l'été. De nombreuses entreprises tournent quand même. À leurs portes, nos camarades ont engagé des discussions complétant celles qu'ils avaient sur les marchés des mêmes villes ou dans les quartiers populaires.

Ce qui ressort, c'est bien sûr la démoralisation devant la lâcheté et l'arbitraire du patronat. La plupart le trouvent odieux mais se disent résignés. L'exemple de l'usine Bosch de Vénissieux, qui a fait un chantage à la délocalisation pour faire accepter l'allongement de la semaine de travail pour le même salaire, paraît scandaleux à tous. Mais tous craignent que cela se généralise. Partout on nous dit que le patronat, même le petit, se croit tout permis. On nous a cité le cas d'un patron qui procédait à des licenciements neuf par neuf pour éviter d'avoir à faire un plan social, obligatoire à partir de dix licenciements. L'arrogance de certains patrons et de certains chefs augmente aussi.

Ce que nous disons à ceux que nous rencontrons, c'est que les travailleurs craignent les délocalisations, bien plus que le patronat ne pourra en réaliser. Tout ce qu'il pourra faire, c'est un chantage, mais peu d'entreprises pourraient se transporter en Chine, en Inde ou même en Europe de l'Est.

La crainte des licenciements et du chômage est d'autant plus présente que ce gouvernement réactionnaire et cynique a réduit la durée des allocations de chômage alors que chacun sait qu'après un certain âge on ne retrouvera pas facilement du travail.

Le comble, c'est qu'on nous dit que, depuis plusieurs mois, il y a une reprise économique en France et même aux USA. Et toute la presse économique de s'interroger sur le fait que cette reprise économique ne s'accompagne pas d'une reprise de l'emploi. Et chacun y va de son explication.

Mais l'explication est simple: ces dernières années, le patronat, aidé par le gouvernement, a réussi à intensifier le travail, à en faire plus avec moins d'ouvriers et d'employés. Alors, même une reprise économique ne l'oblige pas à créer des emplois. Le patronat va s'efforcer de continuer dans la même voie et d'exiger des journées et des semaines de travail plus longues, pour des salaires sinon plus bas, du moins pas augmentés. La reprise, rien que pour lui, s'accompagnerait alors d'une aggravation des conditions de travail, mais pas d'une réduction du chômage.

Alors, ce que nos camarades disent, c'est que si le patronat a profité du chômage pour imposer sa loi, à la rentrée, la reprise aidant, peut-être que c'est nous, les travailleurs, qui pourrons imposer la nôtre. Et imposer notre loi, ce sera arrêter le travail, en lui faisant perdre de l'argent s'il ne cède pas à nos justes revendications.

Si nous avons alors cette occasion de pouvoir nous montrer les plus forts, ne la ratons pas.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprises du 9 août 2004

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