Italie : Morts de misère au large de la Sicile12/08/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/08/une1880.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : Morts de misère au large de la Sicile

Sur la centaine de candidats à l'immigration en Europe partis des côtes libyennes une dizaine de jours auparavant, ils n'étaient plus que 72 à débarquer encore en vie, dans la nuit du 7 au 8 août, dans le port de Syracuse en Sicile. D'autres, beaucoup d'autres, sont morts en route.

Cette tragédie de l'immigration clandestine, dans des conditions cauchemardesques, se répète régulièrement sur les côtes italiennes. Les immigrants ont d'abord payé entre 600 et 1000 dollars pour traverser l'Afrique, emmenés par des passeurs à travers le désert, en provenance du Liberia, de Côte-d'Ivoire ou de Sierra Leone. Ils ont payé ensuite la même somme pour s'entasser sur un navire-poubelle à destination de la Sicile, avec en tout et pour tout une bouteille d'eau par personne. «On nous avait dit que la traversée ne durerait que quelques heures» ont-ils déclaré. En fait l'embarcation, conduite par deux hommes eux-mêmes candidats à l'immigration et sans connaissances sur le trajet à accomplir, a commencé à dériver au bout de deux jours après une avarie au moteur. Malgré les appels des naufragés, de nombreux navires seraient passés au large. Il a fallu plusieurs jours pour qu'un cargo les recueille et donne l'alerte aux autorités italiennes pour que le dispositif de sauvetage se mette en place.

Les rescapés sont arrivés déshydratés, dans un état d'épuisement presque total. «Un jour de plus et ils mouraient peut-être tous», a déclaré la femme médecin responsable de l'équipe sanitaire qui les a pris en charge. Les témoignages sont terribles. Un couple libérien a dû jeter à la mer le cadavre de son bébé, mort déshydraté au bout de deux jours. Au total, entre vingt et trente cadavres auraient ainsi été jetés en mer, femmes et enfants ayant été les premiers à mourir.

Ayant quitté des régions en proie à la guerre civile ou à la famine, aucun des rescapés ne veut retourner d'où il vient. Les autorités italiennes semblent pourtant surtout préoccupées de les rapatrier, et surtout d'empêcher de nouvelles barques d'arriver: 14331 immigrants clandestins seraient ainsi arrivés par mer en Italie dans la seule année 2003, et elles souhaitent obtenir une levée partielle de l'embargo sur les fournitures militaires à la Libye... afin que ce pays soit doté de nouveaux moyens de contrôle maritime pour empêcher de telles embarcations de partir ou pour les arraisonner. Ainsi, elles n'arriveraient plus au large de l'Italie et l'obligation d'assistance ne reposerait plus sur celle-ci.

Les trafiquants d'hommes qui organisent des voyages dans de telles conditions, encaissant l'argent et envoyant à la mort les émigrants, sont des criminels. Mais ils pourront prospérer tant que des centaines de milliers, voire des millions d'êtres humains, seront prêts à braver tous les risques pour tenter d'échapper à la situation dramatique qu'ils vivent dans bien des pays d'Afrique et du Tiers Monde en général.

Cette situation ne cesse de s'aggraver, et ses principaux responsables en sont les grandes compagnies occidentales qui pillent le Tiers Monde et sont souvent prêtes pour cela à le mettre à feu et à sang, avec le soutien de leurs gouvernements. Après une tragédie comme celle-ci, les habituels discours officiels disant que la vraie solution à ces drames serait de renforcer la prétendue «aide au développement», sonnent comme une macabre plaisanterie.

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