- Accueil
- Lutte ouvrière n°1811
- Après l’Irak, la Syrie ?
Dans le monde
Après l’Irak, la Syrie ?
Les ruines des villes irakiennes bombardées sont encore fumantes que déjà on a pu entendre les dirigeants américains, relayés par leurs alliés britanniques et israéliens, multiplier les déclarations menaçantes à l'encontre du régime syrien, accusé d'avoir donné asile aux dignitaires irakiens en fuite.
Sans honte aucune, Bush et ses comparses ont également affirmé que les fameuses armes de destruction massive qu'ils n'ont toujours pas trouvées en Irak seraient en fait détenues par la Syrie, où le gouvernement de Saddam Hussein les aurait entreposées avant sa chute.
Le prétexte était déjà grossier en ce qui concerne l'Irak. Mais ça ne fait rien, les dirigeants américains vont le resservir maintenant à propos de la Syrie. Celle-ci est qualifiée de «nation agressive» qui représenterait une menace... quelques jours après que les «armes de destruction massive», des États-Unis, les seules qu'on ait vues à l'oeuvre jusqu'à présent, ont montré en Irak quelle menace elles peuvent représenter.
On a l'habitude de voir les dirigeants américains brandir une menace extérieure et l'imaginer quand elle n'existe pas. Depuis plus d'un an, l'Irak de Saddam Hussein tenait la première place dans ce rôle peu enviable. Celui-ci écrasé, Bush a besoin d'un nouvel ennemi à désigner, et cela semble donc devoir être la Syrie, sans que les dirigeants américains semblent gênés par le ridicule qu'il y a à se prétendre menacés par ce petit pays de 17 millions d'habitants qui n'a même pas les richesses pétrolières de l'Irak; ils estiment que les moyens de propagande américains sont suffisamment forts pour donner de la crédibilité aux assertions les plus ridicules, comme on l'a vu avec celles sur la «menace» prétendue de l'Irak, qui aurait abrité la « quatrième armée du monde », et autres sornettes.
Bien sûr, il y a d'abord dans ces déclarations des menaces vis-à-vis de la Syrie, dont le gouvernement est prié par les États-Unis de se montrer «coopérant», en particulier en fermant sa frontière avec l'Irak et en ne permettant pas aux rescapés du régime de Saddam Hussein de trouver asile chez elle. Mais on a vu dans le cas de l'Irak qu'un gouvernement peut se montrer « coopérant » avec les instances internationales, voire avec les États-Unis eux-mêmes, sans que cela le mette à l'abri d'une attaque si ceux-ci ont décidé de toute façon de s'y livrer.
Le régime syrien, tout comme celui de Saddam Hussein en son temps, n'a jamais manqué de démontrer sa disponibilité à servir les intérêts de l'impérialisme. Son intervention militaire au Liban par exemple, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, avait pour but de mettre au pas les Palestiniens et les milices de la gauche libanaise, et accessoirement de montrer que la Syrie pouvait être un facteur d'ordre, méritant bien qu'Israël lui rende les hauteurs du Golan, occupées lors de la guerre de 1967. Mais rien n'y a fait: tout cela n'empêche pas Israël de refuser obstinément de rétrocéder le Golan, tandis que périodiquement des campagnes de la presse occidentale reprochent à la Syrie sa présence au Liban.
Aujourd'hui, la Syrie est cernée de tous côtés par des régimes alliés des États-Unis: la Turquie au Nord, l'Irak occupée à l'Est, la Jordanie et Israël au Sud. Dans leurs rêves de « remodeler » le Moyen-Orient, les États-Unis et aussi Israël peuvent estimer le moment propice pour se débarrasser d'un régime qui, entre la Méditerranée et Bagdad, apparaît comme le dernier à ne pas être assez « coopérant ».
Alors il n'est nullement exclu que, après ce que les dirigeants américains considèrent comme un succès de leur aventure militaire en Irak, ils choisissent de le prolonger par une expédition contre la Syrie. Pour le moment, on en est aux menaces: mais après ce qui s'est produit en Irak, on sait où elles peuvent mener, quelle que soit d'ailleurs l'attitude qu'adoptera le régime de Damas.