Afghanistan : sur fond de misère:le retour des talibans ou de leurs semblables17/04/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/04/une1811.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Afghanistan : sur fond de misère:le retour des talibans ou de leurs semblables

Les fondamentalistes religieux talibans seraient de retour dans le sud de l'Afghanistan. Dans le nord-ouest du pays les bombardements américains se poursuivent comme en témoigne une nouvelle «bavure» qui a fait onze victimes innocentes dans un village, le 10 avril. Ailleurs, la situation n'est guère plus favorable. Des seigneurs de la guerre, transformés en autant de pouvoirs locaux, se partagent le pays. L'exercice du pouvoir de Hamid Karzaï, mis en place et soutenu par les gouvernements occidentaux, se réduit à la région de la capitale Kaboul. Lorsque des organisations officielles en sont à dénoncer les «intimidations et les violences utilisées contre des partis politiques» ou l'utilisation des policiers pour harceler des opposants, on imagine très bien ce qu'est la réalité dans le pays.

Un an et demi après l'intervention militaire occidentale qui a renversé le pouvoir des Talibans, la reconstruction de l'Afghanistan est en panne, sans même parler de l'avenir radieux que les chantres de l'intervention lui promettaient. Le pays est toujours dans ce que les spécialistes de ce genre de choses appellent la « phase d'urgence » : il est seulement question de « rétablir des conditions qui permettent la reconstruction de l'Afghanistan et l'acheminement de l'aide humanitaire et d'une aide à long terme ».

Il s'agit toujours de réparer les conséquences les plus élémentaires de la guerre : déminer, recenser la population, faire face au retour des réfugiés dans le pays et à Kaboul en particulier. Entre 1 et 2 millions de réfugiés sont ainsi attendus cette année. Le gouvernement n'arrive pas à payer normalement les salaires, la corruption s'installe partout, et mettre en place un appareil d'État, une police, une armée, un appareil judiciaire un peu cohérents s'avère une gageure.

L'aide promise n'arrive pas ou en quantité insuffisante. Les organisations humanitaires sont pessimistes. Un peu plus de la moitié seulement de ce qui était promis est finalement parvenu en 2002. L'Unicef n'a reçu que la moitié de ce qui lui était nécessaire pour réaliser le projet intitulé « retour à l'école ». De nombreux enfants attendent toujours d'être scolarisés.

Après la victoire occidentale, une conférence s'était bien tenue à Tokyo, en janvier 2002, pour discuter de l'avenir du pays, de la reconstruction et de son financement. Un programme de dépenses de plusieurs milliards de dollars avait bien été décidé, même s'il en faudrait dix fois plus. Mais entre les promesses et les versements, il y a encore une différence; un tiers seulement des promesses ont été effectives. Et l'ONU en est à supplier que les donateurs pressentis mettent effectivement la main à la poche.

On est bien loin aujourd'hui de ce qui était proclamé au moment de la chute des Talibans: la « victoire de la démocratie contre l'obscurantisme ». Face aux espoirs suscités, mais non suivis de réalisation, la population montre des signes de lassitude. La culture du pavot ayant repris, l'ONU exhorte seulement à ce que l'on trouve des cultures et des travaux de substitution et à ce que « la reprise de cette activité ne génère pas de nouveaux conflits » !

En septembre dernier, un des ministres de Bush déclarait cyniquement à propos de l'Afghanistan: « La situation est précaire mais non désespérée » ! Mais six mois plus tard, le tableau du pays, dépeint par les représentants de l'Union Européenne elle-même est bien plus sombre. Suite à l'assassinat d'un délégué de la Croix-Rouge, ils dénoncent « les nombreux cas de violences, de détournement de l'aide, d'intimidation, de harcèlement et d'extorsion qui continuent de se produire en Afghanistan... ». Quant au frère du président Karzaï et son représentant pour les provinces du Sud, il déclare lui-même : « Les promesses faites aux Afghans après la chute des Talibans étaient une nouvelle vie d'espoir et de changement. Mais rien ne s'est produit. Nous n'avons pas fourni l'électricité, l'eau, nous n'avons pas réparé les routes. Les gens sont fatigués de ne voir que des petits projets. Combien de temps vont-ils attendre et espérer ? »

En écho, un haut fonctionnaire de l'administration américaine donne aujourd'hui sans honte la version réelle de l'intervention occidentale en Afghanistan de fin 2001: « Nous avons voulu mettre sur pied une administration à large spectre et empêcher le pays de servir de base aux terroristes: les attentes étaient limitées, nous y avons répondu sans que cela ne nous coûte trop cher... » !

Les bombardements ont peut-être atteint leur but selon les dirigeants américains. Ils ont certainement mis sur pied un embryon d'administration composé du « large spectre » de toutes les nuances de l'obscurantisme. Mais l'espoir promis au peuple afghan s'est avéré un simple article de propagande.

Et sur ce terreau du dénuement continueront à prospérer les Talibans de toutes sortes, voire les groupes terroristes à la Al-Qaida, modèle original ou imitateurs, que la « guerre contre le terrorisme » de Bush est censée combattre.

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