"Cette reprise n'en est une que pour le grand patronat et pour la bourgeoisie" (extrait de l'allocution d'Arlette Laguiller du samedi 10 juin)16/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1666.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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"Cette reprise n'en est une que pour le grand patronat et pour la bourgeoisie" (extrait de l'allocution d'Arlette Laguiller du samedi 10 juin)

[...] " Les ministres se succèdent depuis des semaines pour se féliciter, les uns après les autres, des bons résultats de l'économie et, en particulier, de la baisse du chômage dont le gouvernement comme le patronat se chamaillent pour s'attribuer le mérite. Mais il faut vraiment que ces gens soient à cent lieues du drame que vivent les familles de travailleurs dont un ou plusieurs des membres se retrouvent au chômage, pour oser se féliciter d'une situation où, même d'après leurs chiffres officiels, il reste tout de même deux millions et demi de chômeurs ! Et, rappelons que, pour ces statistiques, un salarié à mi-temps n'est pas un chômeur.

De toute façon, pas plus le gouvernement que le patronat ne sont pour quelque chose dans l'embellie actuelle d'une crise de l'économie capitaliste qui dure depuis un quart de siècle. Ni l'un ni l'autre ne maîtrisent les hauts et les bas de leur économie. Le patronat se contente de profiter de la reprise mondiale, dépendant de l'économie des Etats-Unis, sans la provoquer, et le gouvernement se contente d'aider le patronat.

Nous ne savons pas, et personne ne sait, si cette embellie va durer. Mais, de toute façon, elle n'en est une que pour le grand patronat et pour la bourgeoisie.

Car, pour ce qui est du monde du travail, la situation ne cesse d'empirer. S'il y a moins de chômeurs enregistrés, il y a, en revanche, plus de précarité. S'il y a plus d'embauches que de licenciements, une grande partie des embauches se font en intérim, en CDD ou en temps partiel imposé, et donc avec des salaires (bien souvent) inférieurs au seuil de pauvreté et, en tous les cas, inférieurs au Smic. Et, sortir du chômage ne signifie malheureusement pas sortir de la pauvreté.

Alors, même si le chômage diminue, nous n'en avons pas fini avec le chômage passé et présent et avec ses conséquences. Grâce au rapport de forces créé par le chômage mais aussi grâce au soutien du gouvernement, le patronat a pu imposer aux travailleurs un recul considérable de leurs conditions d'existence. Il a pu imposer une diminution importante des salaires pour accroître les revenus du capital. Il a réussi à faire revenir en arrière la législation du travail. Et, durant les toutes dernières années, il a réussi, grâce à la loi Aubry, à généraliser la flexibilité, c'est-à-dire à subordonner les horaires de travail à la volonté patronale, plus encore que par le passé.

Et puis, nous n'en avons pas fini avec les conséquences du chômage et de la précarité d'une autre manière encore. Lorsque les grandes entreprises annoncent des suppressions d'emplois, cela ne signifie pas seulement des chômeurs ou des précaires en plus. Cela signifie aussi une aggravation de la charge de travail pour ceux qui restent. Tous ceux qui travaillent sur les chaînes de production des grandes entreprises subissent, dans leur chair, dans leurs nerfs, l'aggravation des cadences. Sans même parler des accidents du travail dont le nombre s'accroît, et en particulier chez les travailleurs intérimaires, on use les travailleurs petit à petit en les rendant vieux avant l'âge. Et bien des caissières de supermarché ou des employées de saisie informatique savent que les cadences ne sont plus l'exclusivité des chaînes de production.

Et quelle arrogance et quel cynisme de la part des dirigeants du patronat qui cherchent à imposer aux chômeurs l'obligation d'accepter n'importe quel emploi, payé à n'importe quel prix.

Encouragés par la loi Aubry et par toutes ces mesures du gouvernement qui leur permettent d'être dégrevés des charges sociales sur les bas salaires, les patrons veulent qu'on leur fournisse toujours plus de main-d'oeuvre à bas prix. Ils savent que leurs profits, qui augmentent de 20 % par an, quand ce n'est pas plus, viennent de ce qu'on ne cesse de pousser les salaires vers le bas.

Ils invoquent les stages qu'on fera suivre aux chômeurs pour leur permettre de trouver plus facilement un emploi nouveau. Mais un ouvrier ou un employé qui gagnaient 8 000 F par mois avant de tomber au chômage, à qui on fera faire un stage de magasinier ou de caissier de supermarché, de garçon de salle dans la restauration ou de réceptionniste dans l'hôtellerie, n'aura l'espoir d'être payé qu'au Smic, et avec un horaire à la fois court et variable, voire fractionné, qui fera qu'au bout du mois, son salaire n'atteindra bien souvent pas même 4 000 F. Et les stages de formation professionnelle proposés sont pour la plupart tenus par le grand patronat. Le résultat, c'est que toutes les mesures proposées par le patronat, et que certaines centrales syndicales n'ont pas honte d'accepter, sont destinées à procurer au grand patronat une main-d'oeuvre forcée et bon marché, là où cela l'intéresse et au moment où cela l'intéresse.

Lorsque les patrons de certaines branches se plaignent aujourd'hui de ne pas trouver la main-d'oeuvre dont ils ont besoin, cela signifie seulement qu'ils ne la trouvent pas encore aux prix aussi bas qu'ils le voudraient. Et cela signifie surtout qu'ils ont l'intention de continuer, reprise économique ou pas, à dégrader nos conditions de vie, à nous imposer toujours plus de précarité, toujours plus de flexibilité et toujours plus d'intensité au travail, toutes choses qu'ils appellent la rentabilité. " [...] $$$5 ou 7 ans : un président au service du grand patronat (extrait de l'allocution d Arlette Laguiller samedi 10 juin)

" Il n y aucune espèce de différence entre la politique qu'ont menée les gouvernements de droite et la politique menée par le gouvernement Jospin.

Depuis quelques jours, gauche et droite se retrouvent d'ailleurs pour amuser la galerie avec ce changement constitutionnel qui consiste à faire passer la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans.

Que la durée du mandat présidentiel soit de 7 ou de 5 ans, de toute façon, le président sera élu pour défendre les prérogatives du grand patronat.

On nous dit que le référendum qui aura lieu à ce sujet ne sera pas un plébiscite, ni le plébiscite d'une politique, car Chirac et Jospin seront du même côté, flanqués de Giscard. Du côté du Parti Communiste, Robert Hue s'est jusqu'ici prononcé contre un quinquennat sec, mais rien ne dit que les ministres et les députés communistes ne s'y rallieront pas. Mais, alors, qu'est-ce que ce sera, sinon l'approbation du reste de la Constitution de la Ve Répu-blique, qualifiée, lors de sa création, de non démocratique et de réactionnaire par la gauche ? Une Constitution présidentielle qui n'accorde qu'un rôle mineur au Parlement par rapport à l'exécutif et qui fonde une loi électorale majoritaire antidémocratique, avec un scrutin majoritaire, écartant bien des courants politiques de la représentation et qui fait que la majorité à l'Assemblée reflète rarement la majorité des électeurs.

Alors, sept ans ou cinq ans, la Constitution restera tout aussi bourgeoise et tout aussi présidentielle.

Alors, les travailleurs n'ont pas à approuver, à cautionner l'un ou l'autre de ces faux choix.

Evidemment, pour nous, plus un élu retourne souvent devant ceux qui l'ont élu, mieux cela vaut. Mais, même cinq ans, c'est trop long.

On ne pourra commencer à parler d'une représentation démocratique qu'à partir du moment où tous ceux qui assument des responsabilités politiques non seulement sont élus mais qu'ils sont révocables à tout instant. C'est la seule façon de mettre fin à la pratique qui consiste à faire des promesses avant les élections pour les renier impunément une fois élu. C'est simple, il suffit de préciser que, si une pétition de défiance recueille un nombre de signatures à définir selon le nombre total d'électeurs, de nouvelles élections doivent être organisées.

N'oublions pas que le grand patronat n'a pas besoin d'élections pour se faire entendre du gouvernement ou des hauts fonctionnaires, pour les influencer. De plus, les puissances d'argent influencent l'opinion publique elle-même à travers les journaux et la télévision dont elles sont les propriétaires ou, lorsqu'elles ne le sont pas, par leur budget de publicité qu'elles peuvent augmenter, baisser ou retirer complètement."

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