Lire : "La bourse ou la vie - la grande manipulation des petits actionnaires" de Philippe Labarde et Bernard Maris16/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1666.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Divers

Lire : "La bourse ou la vie - la grande manipulation des petits actionnaires" de Philippe Labarde et Bernard Maris

Economistes connus pour leurs opinions non conformistes, les deux auteurs de ce livre, sans être contre le système, s'attaquent à l'idée reçue, et souvent reprise par les médias, qui voudrait que la population participe activement à l'explosion boursière. En effet, nous dit-on, si les salaires sont bas, si les retraites sont menacées par le vieillissement de la population, la solution existe pour compenser : faire participer salariés et retraités au miracle de la Bourse, qui voit ses valeurs monter en flèche... même s'il y a quelques cahots. Puisque la Bourse crée, dit-on, tant de richesses, pourquoi ne pas en distribuer quelques miettes ? Cette idée est même parfois présentée comme un pas en avant vers la démocratie et la transparence : si salariés et retraités étaient directement propriétaires d'une partie des actions des entreprises, ils participeraient ainsi à la vie de l'économie et exerceraient sur elle leur contrôle !

Le livre conteste ce mythe et rappelle, entre autres choses, que ce n'est pas l'argent qui crée de la richesse par génération spontanée, mais bien le travail humain. Les auteurs montrent que la bulle spéculative à l'origine de la montée de la Bourse est au contraire un phénomène inquiétant ; que les exemples de faillites de fonds de pension sont déjà nombreux. Que deviennent alors les salariés qui y ont cotisé ? La Bourse favorise toujours les plus riches et, si le sort des salariés devait ne dépendre que d'elle, ils seraient bien sûr les dindons de la farce.

Quant à affirmer que la société deviendrait plus démocratique si tout le monde participait au système boursier, c'est une baliverne. " Ceux qui parlent de la démocratie du capital ou de la transparence n'ont jamais croisé un avocat d'affaires ou un expert comptable de leur vie. " Le monde de l'entreprise est celui du secret, de l'opacité et du pouvoir sans contrôle exercé par les plus riches. Parlez-en aux petits actionnaires d'Eurotunnel...

En fait, les requins de la finance cherchent un moyen parmi d'autres de faire supporter au monde du travail les risques que le monde du capital prend en spéculant. Au passage, les deux auteurs tordent le cou à de nombreux lieux communs médiatiques, comme celui du risque de la faillite des systèmes de retraite. En fait, l'augmentation régulière de la productivité du travail permet sans problème de produire les moyens d'existence de tous, même avec moins d'actifs. Ce qui s'est passé dans l'agriculture, où la même quantité d'aliments est produite aujourd'hui avec beaucoup moins d'agriculteurs qu'il y a quelques années, a lieu, dans d'autres secteurs d'activité.

Les auteurs s'en prennent également à l'idée que les problèmes mondiaux dépendraient des exigences des retraités américains et de leurs fonds de pension. Des profits accumulés, seule une toute petite partie finit dans la poche des retraités, leur fournissant des revenus assez faibles et, de plus, variables et aléatoires. Pendant ce temps, les grands financiers, américains ou non, ramassent le pactole. Et s'ils investissent souvent en France, c'est tout simplement parce que l'imposition sur le capital y est parmi les plus basses de la planète !

Tout cela est relaté dans un style polémique, souvent percutant, mais qui contribue parfois à donner à la démonstration une allure décousue. Bien sûr, les perspectives des auteurs ne sont pas les nôtres. Ils y présentent par exemple le recul de l'OCDE sur l'AMI (Accord européen sur les investissements) ou les derniers événements de Seattle, lors du sommet de l'OMC, comme des pas importants dans la remise en cause d'un système dont ils dénoncent les mécanismes et les excès, sans le contester. Bernard Maris (qui écrit dans Charlie-Hebdo sous le pseudonyme de " Oncle Bernard ") fait partie de la direction du mouvement ATTAC, pour la création d'une taxe sur les mouvements internationaux de capitaux. Evidemment, ni lui ni Philippe Labarde n'attendent rien du mouvement ouvrier pour renverser la logique financière qu'ils dénoncent. Mais les chiffres cités, les démonstrations et les faits évoqués parlent d'eux-mêmes.

Roger PÉRIER

"La Bourse ou la vie, la grande manipulation des petits actionnaires" de Philippe Labarde et Bernard Maris, Editions Albin Michel, 200 pages, 89 F.

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