Pour le capital, le paradis... c'est son système tout entier16/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1666.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Pour le capital, le paradis... c'est son système tout entier

Une commission mise en place par les grands pays industrialisés a rendu public son rapport sur les paradis fiscaux.

Ce rapport conclut, par exemple, que les paradis fiscaux " constituent une menace potentielle à la stabilité internationale ". Ils auraient joué un rôle dans l'accélération de la crise financière asiatique en 1997, ainsi que dans la transmission rapide de la crise russe à l'Amérique latine un an plus tard.

Et effectivement, une fraction significative des capitaux flottants qui circulent dans le monde à la recherche de bénéfices rapides, transitent sans doute par ces paradis fiscaux. Que leurs propriétaires soient de riches particuliers, de grandes entreprises ou des gangs maffieux - mais la ligne de démarcation n'est pas toujours très claire - ils y trouvent en général la protection d'une législation qui garantit le secret des dépôts et des opérations financières et une fiscalité défiant toute concurrence. De sorte que les fonds qui y sont basés se chiffrent en milliers de milliards de dollars et qu'ils échappent de fait au contrôle fiscal des pays riches.

Mais cela veut-il dire que ceux-ci finiront par y mettre bon ordre ? Cela fait longtemps qu'ils en parlent, en particulier dans le cadre de l'Europe. Mais de là à le faire, c'est autre chose. Il faut quand même noter qu'une grande partie de ces paradis fiscaux appartiennent à la zone d'influence, voire sont des dépendances, de grands pays européens : Monaco et Andorre pour la France ; Malte, Gibraltar, les îles anglo-normandes, l'île de Man et les anciennes Antilles britanniques pour la Grande- Bretagne ; Ceuta pour l'Espagne ; le Vatican pour l'Italie, etc. Si ces pays avaient vraiment voulu mettre fin à la façon dont leurs propres capitalistes bafouaient les lois, il ne leur était pas difficile de le faire.

Et puis, il ne faudrait pas oublier que, plus particulièrement au cours des dernières décennies, les pays riches eux-mêmes se sont tous transformés en paradis fiscaux à un titre ou à un autre, pour aider leurs capitalistes nationaux à gonfler leurs profits et pour attirer des capitaux étrangers afin de financer leur dette. On pointe toujours le doigt sur la Suisse et le Luxembourg, mais que dire de tous les autres pays qui ont multiplié les dégrèvements fiscaux sur les plus-values financières et les profits des entreprises, ainsi que les réductions de charges sociales au cours des vingt dernières années, à commencer par la France ?

La chasse aux paradis fiscaux, pour légitime qu'elle soit, ne serait-elle pas au bout du compte un paravent commode pour dissimuler la montée des privilèges de plus en plus exorbitants dont jouit le capital au coeur même des pays riches ?

D'ailleurs, d'une certaine façon, c'est ce qu'indiquait d'emblée le nom même de la commission mentionnée plus haut : le " forum de stabilité financière ". Il s'agissait pour elle de se pencher sur le rôle des paradis fiscaux dans la déstabilisation des marchés financiers, pas sur le parasitisme du capital financier sur l'économie de la planète. Et pourtant c'est bien ce parasitisme qui est la cause première de l'instabilité financière comme de l'existence des paradis fiscaux d'ailleurs.

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