Algérie : Bouteflika plébiscité - et après ?24/09/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/09/une-1628.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Algérie : Bouteflika plébiscité - et après ?

Le 16 septembre, le président de la République algériens Bouteflika a remporté le référendum sur la concorde nationale avec un taux de participation de 85 % et plus de 98 % de «oui ». Au-delà des irrégularités et des fraudes possibles, Bouteflika. le mal élu d'avril dernier, celui qu'on accusait d'avoir été propulsé par l'armée, peut se prévaloir aujourd'hui d'un «oui» franc et massif

Cette loi, destinée au départ à offrir une issue et une couverture juridique à l'AIS (Armée islamique du Salut. bras armé du FIS) qui a décrété une trêve unilatérale il y a deux ans, doit permettre à tous les terroristes qui déposent es armes de bénéficier de remises de peines, voire d'une amnistie pour ceux qui ne sont pas impliqués dans des «crimes de sang». Elle vise aussi, bien évidemment, à convaincre les terroristes du GIA de renoncer à leur tour à la lutte armée.

Il faut dire que dans son entreprise plébiscitaire, Bouteflika a bénéficié de l'appui et du consensus de la quasi-totalité des formations politiques. Les partis de la coalition gouvernementale (FLN, RND, MSP) se sont bien sir rangés comme un seul homme derrière Bouteflika. Les partis « d'opposition » ont brillé par leur modération. En ce qui concerne le courant « éradicateur", qui se définissait comme hostile à un compromis avec les islamistes, après le ralliement de l'une de ses composantes, l'ANR de Rédha Malek, le RCD de Saïd Sadi a fait campagne pour le« oui »et espére intégrer le nouveau gouvernement que devrait former Bouteflika. Le TES (Front des forces socialistes) de Ait Ahmed, a regretté que la «concorde» se négocie sans es dirigeants «politiques » du FIS et n'a pas donné de consignes de vote Cette position acte partagée, grosso modo, par Ionisa Hanoune du PT (Parti des Travailleurs).

Quant au FIS, il a adopté une attitude respectueuse, certains de ses dirigeants comme Abassi Madani ou Rabah Kébir approuvant la démarche de Bouteflika, d'autres comme Hachi insistant sur la revendication du retour du FIS sur la scène politique.

Et face à cette opposition respectueuse, c'est finalement Bouteflika qui a tenu un discours d'opposant. Pour obtenir le soutien et l'appui de la population, il n'a pas hésité à dénoncer les tares du régime. Dans la campagne très active qu'il a menée, il a multiplié les discours démagogiques et les gestes destinés à le faire apparaître comme une sorte de justicier qu'aucune menace ne fera taire. Dans ses premiers meetings, il s'en est pris violemment à la corruption. Il a commencé par limoger 22 walis (préfets) dont certains ont été définitivement radiés de la Fonction publique. Il a annoncé d'autres purges dans l'administration, la justice et l'appareil d'État, précisant que «cette lessive ne faisait que commencer ". Il n'a pas reculé devant des dénonciations faites en termes aussi radicaux que vagues. « Nos banques d'État sont au service de qui, du pays ou des escrocs? Elles aident des importateurs véreux qui n'ont jamais contribué au développement de la nation et qui s'enrichissent avec l'argent du peuple»... «L'économie est aujourd'hui le monopole de 15 personnes. Mais je vous le dis, tout cela va changer et vite ! »

Ce langage largement répercuté à la télé semble avoir trouvé un écho et suscité des illusions dans la population. Illusions que Bouteflika lui-même semble craindre puisqu'il a modéré ses propos dans ses derniers meetings.

Bouteflika sort incontestablement renforcé de cette campagne par le résultat du référendum. Mais sa loi de concorde nationale réussira-t-elle à rétablir la paix et la stabilité?

Cette loi a commencé à être appliquée depuis le 13 juillet. Des comités de probations ont déjà été mis en place dans chaque wilaya pour recueillir les redditions.

Cela n'a pas empêché que cet été, les attentats, les massacres, les embuscades se soient multipliés, l'objectif du GIA étant de faire capoter l'opération. Il semble qu'aujourd'hui un nombre réduit de terroristes du GIA (300 selon les autorités) se soient rendus tandis que les ex-combattants de PAIS essayent de négocier des garanties supplémentaires. Il semble aussi que ceux qui se rendent appartiennent plutôt à des groupes, de fait, plus très actifs depuis des mois.

Au lendemain du référendum. Bouteflika a renouvelé son appel aux terroristes à déposer les armes. Parallèlement les services de sécurité multiplient les démarches auprès des familles de terroristes pour les inviter à encourager les proches à profiter de la loi. Avertissement est aussi donné à ceux qui ne prendraient pas la bonne décision, dans les six mois, car «après le 13 janvier, a menacé Bouteflika, «il est clair que l'État doit se défendre par tous les moyens mis a sa disposition».

Aujourd'hui, Bouteflika est au faîte de sa popularité. Il a déclaré, lors de l'un de ses meetings: «Je vous parle de la concorde civile, de la relance de l'économie et de la reconquête de la place internationale de l'Algérie et vous parle du logement et du chômage... » L'État algérien et la bourgeoisie vont peut-être bénéficier d'une période de grâce. Sauf que les attentes de la population laborieuse sont loin d'être satisfaites au plan social. Et Bouteflika n'est pas en place pour régler ces problèmes-là.

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