Daewoo Lorraine : Malgré les démentis, la menace de fermeture se précise24/09/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/09/une-1628.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Daewoo Lorraine : Malgré les démentis, la menace de fermeture se précise

" Daewoo va fermer ses trois usines en Lorraine ", titrait le journal Le Monde du 16 septembre. Le même jour, 200 travailleurs de chez Daewoo manifestaient à Metz, un rassemblement prévu avant cette annonce par la CFDT et la CGT, et qui visait à demander des éclaircissements à la Préfecture de Région sur l'avenir de Daewoo. Le groupe est en faillite, mais la branche électronique a quand même fait près de 24 millions de francs de profits l'an dernier. Et, surtout, le trust a reçu 450 millions de francs de fonds publics pour s'installer en Lorraine.

Devant la préfecture de Metz, c'était essentiellement des travailleurs de l'usine de Villers -la-Montagne qui étaient présents. Moins d'une dizaine étaient venus de Mont-Saint-Martin et personne de Fameck. Pour l'instant, le sentiment qui domine chez les travailleurs est qu'on les mène en bateau, que directions locales comme pouvoirs publics ne savent rien, même s'ils se veulent rassurants. Et puis les menaces de fermeture, il y en a depuis que Daewoo existe, même si cela semble bien se préciser aujourd'hui. Car les démentis eux-mêmes sont inquiétants : Daewoo Electronics dans un communiqué " démentait catégoriquement " le " titre alarmiste " du Monde. Le titre seulement ?

Le ministre de l'Industrie, Christian Pierret (également conseiller régional PS), expliquait pour sa part : " Nous faisons tout pour éviter une fermeture et faciliter une reprise ". Une manière de reconnaître que la fermeture est bien dans l'air. Mais après la liquidation récente des usines JVC et Panasonic de Longwy, faute justement de trouver un repreneur, qui peut croire que va surgir du néant un repreneur pour Daewoo ?

Quant au président de la Région Lorraine, Gérard Longuet, il déclarait cyniquement sur France 2 : " Tout le monde est mortel, Daewoo aussi ".

Pourquoi les travailleurs devraient-ils payer la faillite ?

En 1997, la presse et les autorités régionales se congratulaient : Daewoo promettait de créer 1 800 emplois supplémentaires : une usine de verre à Thionville et 940 emplois, une usine de réfrigérateurs à Verdun avec 260 emplois à la clé et le doublement de la capacité de l'usine de tubes de Mont-Saint-Martin avec 600 emplois de plus. Le tout représentait un investissement de 3,6 milliards, évidemment subventionnés à 25 % par les pouvoirs publics : 900 millions de francs d'aides supplémentaires étaient annoncés.

Mais la crise est passée par la Corée, et tous les projets ont été abandonnés. Et depuis, les annonces se multiplient. En mai, c'était l'ensemble de la branche électronique de Daewoo qui devait être reprise par Samsung dans le cadre d'un échange des activités entre les deux groupes sud-coréens en déconfiture. Cela avait suscité bien des inquiétudes car Samsung prétendait avoir déjà trop d'usines d'électronique en Europe.

Puis, pendant l'été, nouvelle donne, c'est Walid Alomar (un groupe américano-saoudien associé à la Deutsche Bank) qui devait racheter Daewoo Electronics pour 3,2 milliards de dollars et garder l'ensemble des installations. Mais la vente qui devait se faire fin août, puis mi-septembre, est sans cesse reportée.

Toute la presse explique que Daewoo est au bord de la faillite : il accumulerait 57 milliards de dollars de dettes. Mais pourquoi faudrait-il que ce soient les salaires des ouvriers qui soient les sacrifiés dans cette affaire ? Les fournisseurs, les banques font valoir leurs intérêts : ainsi le groupe français Natexis a-t-il intenté une action judiciaire pour récupérer 10 millions de dollars.

Réclamer le remboursement des aides pour assurer les salaires !

Les hommes politiques locaux ne défendent pas avec la même énergie que les banquiers les fonds publics qu'ils ont engagés pour installer les usines : Daewoo a obtenu 450 millions d'aides publiques pour venir en Lorraine. Sans compter les multiples aides directes ou indirectes, les multiples cadeaux fiscaux : en juin, on a appris que l'usine de Mont-Saint-Martin devait la bagatelle de 100 millions au fisc. Ce sont ces centaines de millions-là qu'il faut exiger que Daewoo rende pour assurer le salaire des travailleurs. Rien que les 450 millions permettraient d'assurer les salaires (charges comprises) de tous les salariés du groupe pendant 2 ans.

La faible mobilisation du 16 septembre à Metz ne préjuge en rien de l'avenir si les usines fermaient vraiment : chez Daewoo, le personnel est jeune, il peut être combatif comme l'a montré la grève de 15 jours menée en juin dernier à Mont-Saint-Martin, et il pourrait faire payer cher, aux patrons comme aux pouvoirs publics, le mépris et la désinvolture de ceux qui ouvrent et ferment des usines comme on claque la porte de sa voiture.

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