- Accueil
- Lutte ouvrière n°1628
- Allemagne : La débâcle du SPD
Dans le monde
Allemagne : La débâcle du SPD
Le Parti Social-Démocrate (SPD) a subi, dimanche 19 septembre, un nouveau recul électoral. Dans l'élection régionale qui avait lieu en Saxe, il n'a obtenu que 10,7 % des suffrages avec une perte de 5,9 points. C'est son plus mauvais résultat depuis 1945!
Le même scénario s'est reproduit tout au long de ce mois de septembre : en Thuringe, la perte est de 11,1 %, dans le Brandebourg de 14,8 % et dans la Sarre de 5 %.
Enfin en Rhénanie du Nord - Westphalie, où avaient lieu les élections municipales, il a reculé de 8,4 %. Dans ce Land, le plus peuplé d'Allemagne avec 18 millions d'habitants et qui englobe la région industrielle de la Ruhr, il a déjà perdu les villes d'Essen et de Cologne, sans doute aussi celles de Dortmund, Düsseldorf, Bonn et Gelsenkirchen, dont le maire sera élu dans les prochains jours. Toutes étaient des fiefs qu'il détenait depuis des dizaines d'années (jusqu'alors le SPD dirigeait 20 des 23 grandes villes du Land).
La débâcle du SPD n'est donc pas un phénomène isolé, lié à des circonstances locales (à Cologne le candidat SPD à la mairie a ainsi dû se retirer à quelques jours du scrutin, mis en cause dans une affaire de délit d'initié...).
La remontée de la CDU
Partout c'est la CDU, le grand parti de droite, qui apparaît comme le grand vainqueur de ces élections. Elle a déjà gagné le Land de Sarre. Et au Brandebourg, l'Union Populaire Allemande, le parti d'extrême droite du milliardaire bavarois Gerhard Frey, fait même son entrée au Parlement régional avec 5, 3 % des voix.
Mais tous ces scrutins (hormis celui de Saxe) ont aussi été marqués par une montée importante de l'abstention, en particulier dans les villes ouvrières de la Ruhr. Dans ce contexte, il faut également noter, dans les Länder de l'ex-RDA, la progression significative du PDS, héritier de l'ancien parti stalinien, qui atteint 23,3 % au Brandebourg, 21,4 en Thuringe, et 22,2 % en Saxe. Dans ces Länder de l'est, il est même le seul grand parti à gagner des voix en valeur absolue. Mais à l'ouest, il demeure très faible : 0,8 % en Sarre ; en Rhénanie du Nord - Westphalie, il réalise des scores un peu plus élevés dans certaines grandes villes où il était présent (3,2 % à Oberhausen, 4,5 % à Duisburg) et obtient pour la première fois une trentaine d'élus locaux du fait de la suppression de la barre des 5 %.
De nouvelles attaques contre les travailleurs
Un an après son élection triomphale, en remplacement d'Helmut Kohl, le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder est donc déjà largement discrédité, sans avoir eu le temps de disposer d'un « état de grâce ». Si son élection ne correspondait nullement à une radicalisation de l'électorat, elle avait tout de même suscité quelques espoirs dans les milieux populaires, après 16 ans de gouvernement ininterrompu de la CDU. Ces espoirs sont très vite retombés. Schröder n'a même pas fait quelques gestes significatifs susceptibles de donner le change, hormis le rétablissement, au niveau législatif, des indemnités de maladie à hauteur de 100 % du salaire. Mais cette mesure avait dans bien des cas déjà été obtenue par la lutte dans les entreprises lorsque Kohl avait voulu s'y attaquer au niveau de la loi.
Pour le reste, rien n'a changé. Il y a toujours officiellement plus de quatre millions de chômeurs. Divers impôts ont été augmentés, en particulier la taxe sur les carburants. Et fin août, dans son projet de budget pour l'an 2000, le gouvernement a annoncé un super-programme d'austérité qui prévoit l'équivalent de 105 milliards de francs de coupes budgétaires. Officiellement il s'agit de réduire le montant des dettes de l'État (considérablement gonflées à cause des réductions successives d'impôts accordées aux entreprises) et de respecter les « critères de Maastricht », qui imposent des limites au taux d'endettement des États membres de la zone euro. Seulement pour combler le trou du budget, les sociaux-démocrates, comme les Verts qui gouvernent avec eux, ne connaissent qu'une seule recette faire les poches de la population laborieuse en diminuant les budgets sociaux. Parallèlement les indemnités de chômage, les salaires des fonctionnaires et les pensions de retraite doivent être gelés au niveau de l'inflation et ne plus suivre l'évolution des salaires nets. Mais l'impôt sur les sociétés devrait lui... être abaissé de 40 à 25 %.
Malgré ses lourdes défaites électorales, Gerhard Schröder a déclaré qu'il n'était «pas question de changer de cap ». Il suffirait pourtant, d'après les calculs de l'institut WSI, de rétablir l'impôt sur les bénéfices au niveau où il était en 1980, pour faire rentrer dans les caisses tous les ans 340 milliards de francs, de quoi renflouer largement les caisses de l'État. La politique du SPD ne peut donc que le discréditer encore plus dans les milieux populaires et dans la classe ouvrière, mais aussi, parallèlement, renforcer une droite d'autant plus arrogante qu'elle est bien contente que le SPD fasse le sale travail à sa place.
Il faut souhaiter maintenant que les travailleurs d'Allemagne ne se contentent pas de faire payer sur le plan électoral leur politique aux sociaux-démocrates, et qu'ils trouvent la détermination et les moyens de se battre contre les attaques auxquelles ils sont confrontés, de façon à faire reculer le patronat et les politiciens de gauche à son service.