- Accueil
- Lutte ouvrière n°2494
- Étudiants en médecine : un tri au nom des économies
Leur société
Étudiants en médecine : un tri au nom des économies
Tirer au sort les futurs étudiants en médecine : voilà le projet saugrenu que préconisait le rectorat de Paris, avant de reculer précipitamment devant le tollé que cela a suscité.
Derrière cela, on retrouve la limitation du nombre des médecins que mettent en œuvre tous les gouvernements depuis quarante ans. Cette politique vise deux choses : réduire l’offre de soins, donc son coût dans les budgets sociaux, et satisfaire l’Ordre des médecins, soucieux de protéger les intérêts corporatistes de ses mandants, en l’occurrence les parts du gâteau (la clientèle des patients) qu’ils ont à se partager.
Outil de cette politique, le numerus clausus – nombre maximal d’étudiants acceptés en deuxième année de médecine – est fixé par le ministère. Au début des années 1970, avant ce système limitatif, les facultés de médecine formaient près de 9 000 médecins par an. Après être tombé à 3 500 dans les années 1990-2000, on en forme environ 7 500, bien en dessous des besoins.
On manque de généralistes, des régions sont des déserts médicaux, on doit attendre des mois pour consulter un spécialiste… Tout cela résulte en grande partie de ce choix social aberrant, dans lequel ne pèsent guère l’accroissement et le vieillissement de la population ou la spécialisation de plus en plus pointue de la médecine et de la chirurgie modernes.
Quant aux étudiants en médecine, du fait de ce système, seuls 15 % accèdent en deuxième année, des redoublants pour la plupart, tant ce concours-couperet est difficile. Des dizaines de milliers de jeunes font pourtant le pari de le réussir, prêts à étudier dur, en espérant à terme un emploi durable avec un salaire correct. La faculté de Paris 6, à l’hôpital de La Pitié-Salpétrière, accueille ainsi plus de 2 000 étudiants, qu’on entasse dans des salles bondées, avec des cours retransmis sur écran car on manque d’enseignants, pour 320 places en deuxième année.
Plus de quatre étudiants sur cinq échouent donc à poursuivre en médecine. Du coup, des dizaines de milliers se retrouvent à avoir perdu deux ans, souvent sans savoir vers quoi se réorienter. C’est un gâchis humain connu depuis le début, puisqu’en 1972 la mise en œuvre du numerus clausus avait provoqué une longue grève des étudiants de première année. Ils protestaient contre la situation des reçus-collés, dont les notes justifiaient le passage en seconde année alors que leur classement au concours le leur interdisait.
Ce n’est certes pas pour remédier à ce gâchis qu’a été envisagé ce tirage au sort. Il visait juste à adapter d’emblée le nombre des étudiants aux ressources allouées. Le docteur Knock n’aurait pas fait mieux : si on ne peut éliminer la maladie, éliminons donc les malades !