16 mai 1916 : Le début du dépeçage du Moyen-Orient18/05/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/05/LO2494.JPG.445x577_q85_box-0%2C24%2C312%2C429_crop_detail.jpg

Dans le monde

16 mai 1916 : Le début du dépeçage du Moyen-Orient

Le 16 mai 1916, après plusieurs mois de tractations, le diplomate français Picot et son homologue britannique Sykes parvenaient à se mettre d’accord. L’objet de l’accord, qui allait être connu sous le nom de Sykes-Picot, était de se partager d’avance le Moyen-Orient entre une zone administrée par la France, comprenant les actuels Liban et Syrie, une autre sous contrôle britannique, englobant la Jordanie et l’Irak, et une troisième qui aurait été sous contrôle international, la Palestine.

À l’époque de la signature, la région faisait depuis trois siècles partie de l’Empire ottoman et était de ce fait unifiée. Les grandes villes millénaires, Bagdad, Damas, Jérusalem et Constantinople (aujourd’hui Istanbul), n’étaient alors séparées par aucune frontière et les liens entre elles étaient nombreux et vivaces. Les diplomates et les militaires français et britanniques allaient tailler dans le vif en créant des régions, puis des pays, en fonction des seuls intérêts stratégiques et commerciaux de leurs impérialismes.

Ces accords restèrent évidemment secrets. Anglais et Français allaient promettre tout à tout le monde, depuis les chefs de tribu du désert jusqu’aux marchands des villes, des nationalistes arabes aux sionistes, à qui le ministre britannique Balfour promit en 1917 son soutien à l’installation d’un foyer juif en Palestine. Il s’agissait alors d’enrôler tout le monde contre les Ottomans, alliés de l’Allemagne. Et, après la défaite de ces derniers, Anglais et Français appliquèrent les accords, prirent possession des territoires répartis, installèrent leurs garnisons, leur administration, leurs gardes-chiourme, leurs exploiteurs.

Les accords étaient secrets également vis-à-vis des populations française et britannique. Il ne s’agissait pas que les soldats enterrés dans les tranchées de la Somme et de Verdun apprennent que leurs chefs se répartissaient déjà les puits de pétrole et les bonnes affaires pour les lendemains de la victoire. Les traités secrets furent publiés à Petrograd, en novembre 1917, comme tous ceux tombés entre les mains du gouvernement issu de la révolution d’Octobre. Les bolcheviks voulaient ainsi montrer les buts de guerre réels des alliés, le pillage et le partage du monde, révéler, disait Lénine, « la contradiction entre les intérêts des capitalistes et la volonté du peuple ». Pour ce qui concerne le Moyen-Orient, c’était criant.

La Société des nations (SDN, ancêtre de l’ONU) venait d’être créée. Français et Britanniques avaient envoyé leurs soldats se faire tuer au nom du droit. On n’appela donc pas ces nouvelles possessions des colonies, mais la SDN confia aux puissances le mandat de les mettre sous tutelle. Cela ne se passa pas sans mal ni sans révolte. Les impérialistes employèrent leurs méthodes habituelles, massacres, déportations, déplacements de population, terreur. Pour mater la révolte druze, par exemple, l’armée française alla en 1925 jusqu’à bombarder Damas.

Après la Deuxième Guerre mondiale, les mandats prirent fin, mais les États nouvellement créés le furent dans les frontières tracées en 1916. La situation se compliqua encore du fait de la création de l’État d’Israël d’une part, de l’intervention croissante et finalement déterminante de l’impérialisme américain, de l’autre. Le Moyen-Orient n’en avait pas fini avec les interventions militaires occidentales, qui allaient se multiplier jusqu’à aujourd’hui, amenant une véritable décomposition de toute la région. Le maintien à tout prix de la domination impérialiste sur une région stratégique et riche en pétrole a débouché sur un chaos sans nom, dont ces messieurs Sykes et Picot ont été les lointains initiateurs.

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