SNCF - Catastrophe de Brétigny : Il faudra plus qu'un rapport pour garantir la sécurité15/01/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/01/une2372.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

SNCF - Catastrophe de Brétigny : Il faudra plus qu'un rapport pour garantir la sécurité

Le 12 juillet 2013, à 17 h 11, le train Paris-Limoges déraillait en gare de Brétigny, faisant 7 morts et 32 blessés, dont 11 grièvement atteints. La cause était liée au basculement d'une éclisse. Cette pièce métallique de 10 kg servant à fixer les rails dans l'aiguillage ne tenait plus que par un boulon, au lieu des quatre nécessaires.

Dans son rapport rendu le 10 janvier, le Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre souligne que « la moindre attention accordée aux anomalies affectant la boulonnerie par rapport à d'autres défauts des appareils de voie qui sont considérés comme plus critiques (...) a pu contribuer à ce que cette défaillance ne soit pas détectée ». Un jeune cadre SNCF du service des infrastructures, responsable de ce secteur de Brétigny, rapportait dans la presse, le 26 septembre 2013, qu'il avait effectué une tournée d'inspection le 4 juillet et constaté qu'il manquait un boulon sur l'éclisse. Il indiquait également que les trois autres boulons n'avaient pas été resserrés. Selon les fiches d'inspection, le problème était d'ailleurs signalé depuis le mois de février 2013 et il avait à nouveau été noté au mois d'avril. Le même cadre ajoutait : « Si cela avait été réparé, l'accident n'aurait pas eu lieu. »

Pourquoi la réparation n'a-t-elle pas été effectuée ? Parce que c'est RFF qui gère les voies et les budgets d'entretien. C'est donc RFF qui décide des travaux à effectuer. Mais ce sont les cheminots de la SNCF, du service des infrastructures (l'Infra), qui signalent les problèmes et qui peuvent ou pas effectuer les réparations en fonction des décisions de RFF. Ainsi, à l'Infra, on ne peut faire que des rapports et signaler des problèmes, même s'il y a urgence. C'est ensuite RFF qui donne le feu vert. Et lorsque l'auteur du rapport publié écrit : « Je n'appelle pas ça de la négligence, j'appelle ça un problème de culture collective », il qualifie joliment une réalité beaucoup plus sordide, à savoir la criminelle politique d'économies menée par la SNCF, RFF et derrière eux par le gouvernement, autorité de tutelle.

Le rapport met notamment en cause la qualité des tournées visuelles de surveillance et le boulonnage sur les voies. Mais il omet d'entrer dans les détails. En effet il n'est pas rare que les agents de l'Infra SNCF soient tenus d'effectuer les visites de voies en restant sur la piste, le long de la voie. Cette procédure est motivée par le fait qu'un visiteur de voie doit être protégé par un autre cheminot (annonceur), qui surveille l'arrivée des trains pendant qu'il examine les appareillages. Mais, en l'espace de quelques années, les baisses d'effectifs ont divisé par deux les effectifs des brigades de l'Infra et les annonceurs ont été dans les premiers à être supprimés. Ainsi, les visiteurs ne peuvent pas circuler dans les voies, mais seulement à côté, et ils ne sont donc pas en mesure de détecter visuellement les problèmes.

De son côté, le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, a indiqué avoir demandé « à la SNCF et à RFF de mettre en oeuvre sans délai (...) les recommandations du Bureau d'enquête sur les accidents de transport terrestre ». SNCF et RFF ont en effet lancé en octobre 2013 un plan baptisé Vigirail, consistant à vérifier le serrage des 5 000 éclisses de France et de Navarre pour un investissement de 410 millions d'euros sur quatre ans. Il était temps. Mais si l'on peut espérer qu'une éclisse ne puisse plus être à l'origine d'un nouvel accident, les fiches d'inspection concernant l'état des voies mettent en évidence bien d'autres risques potentiels d'accidents, tant il est vrai que les réparations sont différées en permanence et que, comme le disent les cheminots de l'Infra, c'est « une vraie catastrophe » que préparent en permanence les économies sévères réalisées, en personnel comme en matériel, par la SNCF comme par RFF.

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