Dieudonné : Un « anti-système » qui sert le système15/01/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/01/une2372.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Dieudonné : Un « anti-système » qui sert le système

Lundi 13 janvier, Dieudonné a repris son spectacle, expurgé paraît-il des propos les plus crûment antisémites. La salle était pleine et, dit-on, l'auditoire ravi d'entendre, à demi-camouflées, les diatribes habituelles. Valls, le chasseur de Roms, voulait s'offrir à bon compte un brevet d'antiracisme en interdisant Dieudonné. Il aura en fin de compte réussi à lui faire une publicité inespérée. Et bien malin qui peut dire lequel a le mieux servi l'autre.

Dieudonné a manifestement un vaste public, y compris de gens qui apprécient ce qu'ils croient être son côté « anti-système », exprimé par le geste de la quenelle (un salut nazi vers le bas). L'expression et le geste sont volontairement ambigus, mais Dieudonné plaît à beaucoup, visiblement parce qu'il se donne l'image de quelqu'un qui ose dire des vérités et que l'on combat pour cela. Mais de quelles vérités et de quel courage s'agit-il ?

En parlant de la mainmise supposée des juifs sur les médias, la politique, la finance, et du rôle d'Israël dans le monde, Dieudonné ne fait que reprendre les poncifs éculés des années 1930, des nazis, des Ligues d'extrême droite ou du régime de Vichy sur les juifs. Son succès repose sur les idées communautaristes ou antisémites qui reprennent de la vigueur avec la crise économique. Les oppositions entre juifs et non-juifs, entre Blancs et Noirs, entre Français et Roms, ou encore entre musulmans et non-musulmans prospèrent. De Le Pen à Valls, on oppose des travailleurs à d'autres travailleurs, voire des pauvres à d'autres pauvres. Dieudonné s'insère dans ce courant qui exonère les capitalistes, ceux qui dirigent la société et finalement le « système ».

Dans sa dénonciation du sionisme, Dieudonné entretient aussi une confusion volontaire entre Israël et les juifs. Qu'Israël soit responsable de l'oppression des Palestiniens est une évidence. Mais bien des juifs, et même de nombreux Israéliens, s'opposent à la politique de l'État d'Israël, et il est mensonger d'assimiler les uns aux autres. Et puis, les dénonciations de Dieudonné exonèrent les principaux impérialismes. Dans une vidéo d'hommage à Nelson Mandela, il accable ainsi Israël, plutôt que les États-Unis, le Royaume-Uni ou la France, qui ont pourtant apporté à l'Afrique du Sud de l'apartheid un soutien autrement plus crucial. Il se pare du drapeau tricolore, l'étendard de la colonisation, des guerres d'Indochine et d'Algérie et d'innombrables massacres. Dieudonné montre ainsi toute une solidarité avec le « système » qu'il prétend combattre.

Chaque crise produit ses démagogues, qui déterminent leur discours, aussi malodorant soit-il, en écoutant l'écho qu'il suscite dans la foule. Dieudonné ne fait rien d'autre que s'inscrire dans cette triste liste.

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