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Leur société
Essais nucléaires : Des retombées couvertes par le secret-défense
Un rapport d'expertise sur les effets des retombées radioactives lors des essais nucléaires français a conclu au lien probable entre ces essais et les pathologies, des cancers pour l'essentiel, dont souffrent d'anciens militaires ou des personnels civils qui ont porté plainte depuis plus de dix ans.
Entre 1960 et 1996, plus de 200 essais nucléaires ont eu lieu au Sahara et en Polynésie et on estime que plus de 150 000 civils et militaires y ont participé. Un profond mépris pour leur personnel et pour la population a conduit les autorités militaires à minimiser les risques : un document de la marine de 1965, consultable sur le site d'une association d'anciens militaires victimes de ces essais (l'Anven), indiquait que les « radiations retardées » étaient si faibles qu'il n'était pas nécessaire de s'en occuper. Au Sahara, c'est un appelé du contingent qui a été désigné pour aller, en short et en chemisette, planter le drapeau français au coeur du cratère de la première bombe. Depuis, il souffre d'un cancer de la peau que l'armée a toujours refusé de considérer comme déclenché par les radiations.
Quant à la population polynésienne, elle était sur des atolls trop éloignés, paraît-il, pour souffrir des retombées. En réalité, cinq archipels ont été touchés. Sur l'un d'eux, en 1966, la contamination a été 142 fois plus élevée que dans la zone interdite autour de Tchernobyl. Et la pollution menace toujours puisque l'armée a immergé 3 000 tonnes de déchets radioactifs au large de Mururoa.
Le chercheur de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) auteur du rapport d'expertises souhaite « lancer une étude globale sur les Polynésiens qui étaient âgés de moins de cinq ans à l'époque des essais », chez qui une faible dose de radioactivité a pu déclencher des cancers.
Tout est bon pour faire obstacle à des recherches plus larges et approfondies. Les années passent et les victimes finissent par disparaître pendant que l'armée s'accroche à son « secret-défense » pour refuser l'accès à des données importantes.
La loi Morin, du nom du ministre de la Défense du moment, pour la reconnaissance et l'indemnisation des victimes a vu le jour en 2010, après de multiples protestations de la part des victimes et de leurs familles et un précédent rapport de l'Inserm. Mais elle fixe un seuil d'exposition aux radiations tout à fait contestable selon un organisme de l'ONU, et la procédure est extrêmement lente. En deux ans, seuls quatre plaignants ont été indemnisés a minima.
Ce rapport supplémentaire a le mérite de rappeler les droits des victimes mais leur combat contre l'inertie et la volonté d'obstruction de l'État est loin d'être terminé.