Esclaves modernes et sans-papiers05/09/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/09/une2301.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Esclaves modernes et sans-papiers

La loi française prétend protéger les hommes et surtout les enfants de l'esclavage. À ce titre elle prévoit que toute victime d'esclavage qui porte plainte contre ses tortionnaires obtienne de plein droit des papiers. Dans les faits il n'en est rien et les victimes sont souvent en butte aux mêmes tracasseries administratives que subissent tous les sans-papiers.

Ces esclaves modernes sont souvent des mineurs retirés à leurs familles par des proches ou par des parents qui prétendent leur offrir une vie meilleure en France, une scolarité pour les enfants, un titre de séjour pour les adultes. Arrivés en France, on leur retire leur passeport et on les oblige à travailler de 13 heures à 18 heures par jour comme domestiques ou comme ouvriers dans des ateliers clandestins. Ils sont battus et parfois victimes d'abus sexuels. Ce sont d'après le Comité contre l'esclavage moderne (CCEM) pour 90 % des femmes. Quant à leurs tortionnaires, ils sont issus de tous les milieux, dont pour 20 % d'entre eux du corps diplomatique.

Même si le dispositif législatif permet logiquement aux victimes de cette barbarie d'un autre âge de porter plainte et d'obtenir des papiers, dans les faits cette loi, plus que légitime, reste souvent lettre morte. Les victimes, quand elles parviennent à s'échapper, portent plainte mais c'est certainement l'exception ! -- et obtiennent parfois, mais pas toujours, un titre de séjour provisoire d'un mois ou plus. Mais une fois ce titre obtenu, ces mêmes victimes, qui ont parfois été retenues des années de force, se retrouvent sans leurs papiers et souvent sans ressources et sans aucun dédommagement.

Obtenir justice relève, comme en témoigne le CCEM, du véritable parcours du combattant : recours gracieux auprès du préfet, recours devant le ministre de l'Intérieur, nouveau recours au préfet pour finir devant le tribunal administratif. À chaque fois, la victime peut être confrontée à ses anciens patrons, haineux, et craint les représailles. Et quelquefois ces mêmes tortionnaires dénoncent à la police leur proie, trop peu docile, pour qu'elle soit renvoyée au pays.

C'est par exemple ce qui est arrivé à Ariamala, jeune femme de Pondichéry. Cette femme de 33 ans est arrivée en France en 2003, sa tante française lui avait promis un travail bien payé et des papiers. Elle a « gagné » 13 heures de travail par jour sans repos ni salaire. Elle a fini par s'enfuir en 2008 mais a été dénoncée par ses patrons et s'est retrouvée en centre de rétention. Avec l'aide du CCEM, il lui a fallu quatre années, le refus du tribunal administratif, le rejet de la cour d'appel, pour finalement obtenir du Conseil d'État un jugement positif et des papiers. Mais combien de victimes renoncent devant de telles difficultés ?

Ce sont de véritables dénis de justice qui permettent à cet esclavage moderne de se poursuivre.

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