Gestion de l'eau : Les opérateurs privés savent transformer l'eau en or07/03/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/03/une2066.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Gestion de l'eau : Les opérateurs privés savent transformer l'eau en or

La gestion de l'eau, en France, très majoritairement détenue par les opérateurs privés, reste opaque. Seule certitude, c'est que les consommateurs sont les vaches à lait du système.

Début février, un sondage faisait apparaître qu'une majorité de personnes interrogées regrettent " le manque de concurrence ". Ce sondage était commandé par un regroupement de petits patrons, plus ou moins indépendants des géants du secteur et représentant moins de 3 % du marché de l'eau. Ceux-ci dénoncent le manque de concurrence dans le domaine de l'eau, entre autres parce qu'ils n'ont pas les épaules suffisamment larges pour jouer dans la cour des grands : Veolia, Suez-Lyonnaise des Eaux ainsi que la Saur, ex-filiale de Bouygues détenue aujourd'hui entre autres par Axa. Mais il n'en est pas moins vrai que ce marché est marqué par une opacité totale.

Une organisation taillée pour les entreprises privées

La gestion de l'eau est assumée par les communes qui ont le choix soit de la gérer elles-mêmes - ce que l'on appelle la gestion en régie -, soit de concéder cette gestion à des entreprises privées, à travers une délégation de service public.

Aujourd'hui, un peu plus du quart (28 %) des collectivités gèrent elles-mêmes l'eau potable. Encore s'agit-il essentiellement de petites communes, de moins de 400 habitants pour la plupart. Pour le reste, Veolia se taille la part du lion, avec 39 % des contrats, suivie de la Lyonnaise des Eaux avec 19 %, et de la Saur avec 11 %, et des 3 % de patrons indépendants. Dans ce secteur, la " concurrence libre " existe encore moins qu'ailleurs. Les années 1980 et 1990 ont été marquées par de nombreux scandales liés à l'eau : versements de pots-de-vin pour l'obtention d'un contrat, ou ententes entre les trois grands pour se partager les territoires.

Les communes n'ont même pas le choix de la gestion en régie ou en concession. Par exemple, pour la plus grande partie de l'Ile-de-France, la gestion est assurée par le Sedif (Syndicat des Eaux d'Ile-de-France) qui assure à Veolia la part du lion.

Opacité sur les prix

Une polémique a démarré lorsque la revue Que Choisir ? a dénoncé le scandale du prix de l'eau. L'objectivité de cette enquête a été mise en doute. Mais s'il y a polémique, c'est bien parce qu'il n'y a aucune transparence ! Et ce qui est incontestable, c'est que les prix de l'eau facturée ont connu des hausses spectaculaires entre 1995 et 2000, avec des augmentations moyennes atteignant 8 % par an ! Et depuis, les prix augmentent de 1,5 à 3 % par an selon les endroits.

À juste titre, les associations de consommateurs dénoncent les disparités de prix, qui vont de un à sept, entre les différentes communes. Les sociétés de l'eau mettent en avant le fait que les investissements ne sont pas les mêmes d'une ville à l'autre, selon l'éloignement des sources, le relief, etc. C'est sans doute vrai mais si la gestion de l'eau était un véritable service public, ces différences seraient lissées à l'échelle de tout le territoire.

La seule solution à ces problèmes serait la nationalisation complète, sans indemnité ni rachat, de tout ce secteur, et la création d'un service public unique de l'eau. Mais elle devrait être accompagnée d'un réel contrôle de la population sur les comptes, sur les prix, et sur la qualité du service.

Pierre VANDRILLE

Les "trois grands"

Les géants du secteur de l'eau sont des trusts aux activités diversifiées. Ce qui est bien pratique, puisque cela leur permet, une fois implantés dans une commune, de lui proposer plus facilement toutes sortes de services.

Le principal d'entre eux est Veolia, descendant de la Générale des Eaux. Trust mondial, Veolia réalise aujourd'hui ses profits grâce à tous les types de délégations de service public : l'eau bien sûr, mais aussi les transports, les déchets et l'énergie. La seule filiale eau est fort rentable, puisqu'elle a dégagé un bénéfice de 760 millions d'euros l'an dernier.

On trouve ensuite la Lyonnaise des Eaux (groupe Suez), qui a fait en 2006 quelque 100 millions d'euros de bénéfice grâce à la gestion de l'eau. Et enfin la Saur, qui fut longtemps une filiale de Bouygues, et est aujourd'hui détenue par trois sociétés : l'assureur Axa, la Caisse des Dépôts, et le groupe Séché, lui-même spécialisé dans le traitement des déchets. L'activité eau de la Saur a dégagé en 2006 un bénéfice d'environ 65 millions d'euros.

Partager