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Dans les entreprises
Smoby (Jura et Ain) : Les travailleurs trinquent, les héritiers prospèrent
Après de longs mois de tergiversations, de rumeurs et de tractations secrètes entre actionnaires, banquiers et repreneurs potentiels, le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier vient d'annoncer sa décision : le deuxième fabricant de jouets européen, Smoby-Majorette, sera repris par Simba et Écoiffier, un tandem franco-allemand, avec la suppression de 679 emplois sur les 1080 du groupe.
Cette annonce est une véritable catastrophe pour tous les salariés des usines Smoby, Berchet ou Majorette, mais aussi pour les communes du Haut-Jura autour de Saint-Claude ou de la " plastic vallée " à Oyonnax, déjà durement touché par des fermetures récentes d'usines, comme celle de Visteon. Chacun sait chez Smoby, surtout parmi les plus âgés, qu'il sera quasiment impossible de retrouver du travail dans le voisinage.
Tous les repreneurs potentiels prévoyant des licenciements massifs, cette hémorragie d'emplois est présentée localement comme une quasi-fatalité de la vie économique. En gros, c'est bien triste mais ce ne serait qu'une conséquence de la concurrence, de l'endettement du groupe, voire des délocalisations ou encore du prix des matières premières. Tout cela a bon dos !
Smoby, comme Berchet, racheté par le premier il y a trois ans, sont des entreprises qui ont rapporté beaucoup d'argent à leurs anciens propriétaires, respectivement les familles Breuil et Berchet. Pendant des années celles-ci, puis leurs héritiers, ont encaissé les bénéfices. Le dernier PDG issu de la famille, Jean-Christophe Breuil, a réalisé ces dernières années des dizaines d'investissements, de montages juridiques et financiers très opaques pour obtenir par tous les moyens le maximum de profit à court terme. Sans se soucier à aucun moment des conséquences pour le fonctionnement de l'entreprise et pour les travailleurs.
Quand il ne restait plus assez de capitaux disponibles pour le fonctionnement ordinaire des usines, ces propriétaires ont retiré leurs capitaux et ont choisi, discrètement, les repreneurs les plus offrants. Aujourd'hui ce sont les travailleurs qui paient au prix fort. Voilà une triste illustration de la nécessité de lever le secret industriel, le secret bancaire et de rendre transparents pour tous les travailleurs comme pour la population les comptes comme les décisions des actionnaires.
Pire encore, si l'on peut dire. Tout au long des années prospères pour les propriétaires, les communes de la région ont subi un véritable chantage à l'emploi : pour que Berchet ou Smoby restent dans une commune, elle devait mettre à disposition des locaux à bas prix, aider à rénover des ateliers ou améliorer les accès. Certaines communes, comme Saint-Laurent ou Moirans-en-Montagne, se sont carrément endettées pour financer ces travaux. Aujourd'hui, non seulement il n'est pas question du remboursement des sommes versées, mais des centaines d'habitants de ces communes se retrouvent sur le carreau.
Il ne s'agit là ni de délocalisation, ni des méfaits de la mondialisation, mais du fonctionnement ordinaire du capitalisme familial et local.