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Tribune de la minorité
Tribune : Préparer le 25 janvier... et la suite
Du jamais vu depuis vingt ans, du moins d'après L'Humanité et Jean-Christophe Le Duigou, haut responsable de la CGT. Les cinq confédérations syndicales reconnues, CGT, CFDT, FO, CFTC et CGC, appellent dans l'unité à une journée d'action et de mobilisation dans toute la France, le jeudi 25 janvier, pour s'opposer aux projets du MEDEF sur les retraites. L'UNSA et la FSU appellent de leur côté à s'y joindre. Le front syndical est donc quasiment complet.
Le MEDEF n'a décidément qu'à bien se tenir. D'autant plus que le gouvernement par la bouche de sa ministre de l'emploi et de la solidarité Elisabeth Guigou dans une interview au Monde n'a pas hésité à faire savoir que son coeur allait au camp syndical et faire connaître son scepticisme devant l'entreprise de refondation sociale de l'organisation patronale.
Il faut dire que celle-ci n'y va pas avec le dos de la cuillère. Non seulement le MEDEF a rompu les négociations pour le renouvellement de l'accord qui permet depuis des années de toucher les retraites complémentaires à partir de 60 ans et non 65, mais il prétend imposer que la durée de cotisation pour le droit à la retraite soit progressivement porté à 45 ans. Rien de moins. Il faudrait commencer à travailler à 15 ans (illégal aujourd'hui) pour avoir droit à la retraite à 60 ans, et celui qui n'aurait pu le faire qu'à 25 ans devrait attendre 70 ans. Tout cela au moment où dans bien des secteurs les patrons font tout ce qu'ils peuvent pour se débarrasser des travailleurs les plus âgés.
Oui, la réaction des organisations ouvrières comme les positions de Madame la ministre de l'emploi ne peuvent que réjouir tous ceux qui pensent qu'il est plus que temps de rabattre le caquet et l'arrogance patronale. Enfin tous... sauf les impertinents qui n'ont pas oublié les trois années et demie du gouvernement Jospin.
Un petit air de déjà vu
Car cette unanimité de la gauche, du gouvernement et des syndicats contre le patronat a quand même, que Jean-Christophe Duigou et L'Humanité nous pardonnent, un petit air de déjà vu.
Rappelons-nous les fières déclarations de Martine Aubry (la ministre de l'emploi d'alors) à propos de son projet des 35 heures et la satisfaction des confédérations syndicales opposées aux cris d'horreur du CNPF (le nom d'alors du MEDEF). Et puis au fil des mois et des lois Aubry la constatation que la réduction du temps de travail se faisait pour l'essentiel au bénéfice des employeurs, par la grâce de la flexibilité et de la modération salariale. Et puis les directions syndicales promettant de veiller à ce que cette réduction du temps de travail ne se retourne pas contre les salariés, mais se couchant les unes après les autres en signant les accords de branche ou dans le meilleur des cas n'allant pas au-delà des manifestations symboliques et sans lendemain.
Rappelons nous aussi le premier volet de la refondation sociale, celui sur la réforme de l'UNEDIC. Mise à part Nicole Notat et son collègue Deleu de la CFTC, la plupart des responsables syndicaux repoussèrent d'abord avec hauteur le PARE proposé par le MEDEF, le gouvernement se refusant lui-même à donner son accord à ce qui apparaissait et était bien un forfait à l'encontre des chômeurs. Et puis au fil des semaines estivales (car il a cette fois suffi de quelques semaines) les syndicats retournant leur veste, sous prétexte de changements mineurs du projet patronal, ou pour FO et la CGT, se contentant de prises de position d'autant plus fermes en paroles qu'elles ne furent suivies d'aucune action. Et puis le gouvernement donnant finalement son accord à l'automne au PARE qu'il disait ne pas vouloir au printemps.
Se servir de l'occasion
Alors ? Alors il faut certainement profiter de l'occasion offerte par les centrales syndicales, participer aux manifestations contre les projets du MEDEF qui devraient avoir lieu dans toutes les régions ce 25 janvier, et aux débrayages (mais il n'est pas encore évident qu'il y aura appel à la grève ce jour-là, ce qui en dit déjà long sur la volonté de lutte réelle de nos confédérations).
Mais il faut aussi en profiter pour affirmer la volonté de ne pas se laisser berner une fois de plus par les rodomontades et les discours des représentants de la gauche et des syndicats. La classe ouvrière ne fera remiser au patronat ses projets qu'en prenant la contre-offensive, en étant prête à un mouvement d'ensemble, à la grève générale, en se montrant déterminée à opposer à ce qui est bien un plan global patronal un plan tout aussi global de défense du monde du travail : pour le maintien des retraites à 60 ans, bien sûr, mais aussi pour l'amélioration du sort des retraités comme des actifs et des chômeurs (augmentation mensuelle des salaires, des retraites, des minima sociaux d'au moins 1 500 F, vraie diminution de travail sans flexibilité avec des embauches, suppression de la précarité).
Pas d'illusion. Les directions des syndicats ne marcheront dans cette direction que poussées par les travailleurs. Alors, évitons de renouveler derrière les directions syndicales l'opération du 16 octobre 1999 où la manifestation sans lendemain sur des mots d'ordre des plus vagues servit simplement de diversion à la politique de Robert Hue qui se préparait dans le moment même à approuver la loi Aubry.
La gauche, le gouvernement et les confédérations syndicales nous ont donné suffisamment de preuves de leur duplicité ou de leur couardise pour que nous ne marchions pas à leur appel yeux fermés et bouches closes. Surtout quand nous marchons ensemble.