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- Lutte ouvrière n°1696
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Editorial
L’éditorial d’Arlette LAGUILLER
(Éditorial des bulletins d'entreprise du 8 janvier)
Jeudi 11 janvier, lors des obsèques de Jean-Luc Hulot, abattu le 3 janvier, les convoyeurs de fonds devaient exprimer leur colère contre les conditions de travail qui leur sont imposées. En une seule année, quatre d'entre eux sont morts, assassinés par des braqueurs, et vingt-deux autres blessés, en transportant des millions pour les banques, les compagnies d'assurances, les grandes sociétés commerciales, eux dont le salaire avoisine le SMIC.
Depuis des années, les banques ont automatisé la distribution des billets parce que cela leur permet des faire des économies de personnel. Les supermarchés, de leur côté, ont poussé à la multiplication des distributeurs automatiques à l'intérieur des centres commerciaux, là où les convoyeurs chargés de les remplir sont les plus exposés.
Le braquage récent à coups de lance-roquettes d'un véhicule de transport blindé a montré que, même dans leurs camions, les convoyeurs courent un risque, déjà disproportionné avec le salaire qu'on leur donne. Mais on voit aussi se multiplier de plus en plus ces «points noirs» où les convoyeurs ne sont même pas protégés comme ils peuvent l'être dans leurs camions.
A la suite d'une longue grève en mai dernier, ils avaient obtenu qu'un décret oblige les banques à faire des aménagements susceptibles de diminuer les risques, comme par exemple des sas de sécurité. Mais le gouvernement qui a patronné cet accord a donné aux banquiers deux ans pour réaliser des aménagements qui, souvent, pourraient se faire en quelques jours !
Et, comme pour montrer qu'ils ne veulent pas brusquer les banquiers et les propriétaires des hyper et supermarchés, les deux ministères concernés, celui de l'Intérieur et celui des Transports, ont attendu jusqu'au 18 décembre dernier, c'est-à-dire sept mois après la grève, pour faire paraître le décret d'application !
Et, pendant que le gouvernement tergiversait, non seulement les grandes sociétés donneuses d'ordres, c'est-à-dire les plus responsables, n'ont pas fait ce minimum d'aménagements qui leur ont été demandés, mais nombre d'entre elles continuent à exiger que les convoyeurs passent à heure fixe, ce qui facilite encore les choses pour les gangsters ! Et, à cause de cela, des hommes continuent à mourir ou à être blessés, simplement parce que les responsables retardent tant qu'ils peuvent les dépenses et parce que le gouvernement est complice.
Les deux crapules qui ont tiré sur les convoyeurs de fonds à l'hôpital de Villejuif sont des assassins qui ne respectent rien, et surtout pas la vie des plus humbles.
Mais que dire des patrons des entreprises de transport de fonds, des banquiers, des dirigeants de ces grandes chaînes commerciales dont les propriétaires paradent au sommet de la fortune dans ce pays, mais pour qui la vie d'un travailleur ne vaut rien, pas même quelques aménagements au coût dérisoire ?
Que dire de ce gouvernement dont les ministres ne savent que verser des larmes de crocodile en refusant de contraindre les banquiers et les propriétaires des hyper et supermarchés ?
Que dire sinon qu'ils sont au moins aussi coupables que les voyous qui assassinent ?
Alors, tous les travailleurs doivent être solidaires de la lutte des convoyeurs de fonds qui réclament des conditions de travail qui leur permettent de vivre, dans le sens exact du terme. Parce qu'au-delà des convoyeurs de fonds, combien de travailleurs meurent tous les ans d'accidents du travail ? Combien d'autres sont tués à petit feu du fait de conditions de travail infectes qui leur sont imposées, combien de santés usées, combien de morts prématurées, simplement pour que les entreprises réalisent toujours plus de profits et pour que les actionnaires, les propriétaires empochent toujours plus de revenus ?
Alors, au-delà de la solidarité indispensable, c'est toute l'organisation sociale qu'il faudra changer de fond en comble pour que les travailleurs cessent de mourir pour enrichir le grand capital !