Un convoyeur de fonds assassiné : Victime des donneurs d’ordre12/01/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/01/une-1696.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Un convoyeur de fonds assassiné : Victime des donneurs d’ordre

Après deux jours de grève, les convoyeurs de fonds de la Brink's ont repris le travail lundi 8 janvier, mais ils marqueront un nouvel arrêt de travail jeudi 12, jour des obsèques de Jean-Luc Hulot, le convoyeur assassiné mercredi 3 janvier. D'ores et déjà, ils ont l'intention de refuser d'effectuer des transferts d'argent dans quatre cents «points noirs», les distributeurs automatiques de billets les plus dangereux : ceux situés dans des lieux fréquentés comme les galeries commerçantes, les halls de gare ou d'aéroport, les hôpitaux ou encore comme l'Institut du cancer Gustave-Roussy de Villejuif, où leur camarade a été assassiné, etc. Ces distributeurs sont loin des rues, et les convoyeurs doivent effectuer un trajet à pied, au milieu des passants, jusqu'à leur camion, ce qui multiplie les risques. Mais ils ne sont pas les seuls points noirs. Les représentants des convoyeurs en ont signalé 5 000, sans compter les risques permanents dans des lieux mieux agencés, risques dus à la régularité des tournées.

Des crapules capables d'assassiner de sang froid un travailleur en lui tirant une balle en pleine tête pour obtenir de l'argent, cette société en suscite malheureusement.

Mais comment peut-on qualifier les donneurs d'ordres, banquiers, grandes surfaces et autres, qui exposent la vie des convoyeurs de fonds en refusant d'installer un minimum de sécurité, parce que cela leur coûterait «trop» cher ? Ils ne brandissent pas d'arme à feu, ils ne tirent pas sur des travailleurs pour obtenir de l'argent, mais ils les laissent à la merci des tueurs, pour de sordides questions de gros sous. Cinq convoyeurs de fonds ont été tués l'an passé, quatorze ces cinq dernières années et une dizaine d'autres blessés, lors d'attaques de fourgons.

Après l'assassinat de deux d'entre eux, les convoyeurs avaient fait grève, du 9 au 23 mai 2000, pour réclamer que les abords des banques et des commerces soient sécurisés par la construction d'un sas leur permettant de bloquer le passage en y engageant leur camion et d'entrer directement à l'intérieur sans être en contact avec le public. Une loi avait même été votée en juillet obligeant les donneurs d'ordres à faire des travaux dans ce sens... avant le 31 décembre 2002 ! Déjà à l'époque, les sociétés qui font appel aux convoyeurs de fonds avaient poussé les hauts cris, prétextant que le coût de telles installations serait trop élevé et qu'il leur faudrait plus de deux ans (et combien de morts ?) pour pouvoir le faire.

Aujourd'hui, les responsables de la Brink's offrent un million de francs à «toute personne permettant de mettre les bandits sous les verrous». Mais dans le même temps, ils jugent «irréaliste pour (leurs) clients d'équiper dans un délai de deux ans l'ensemble des 70 000 lieux où les convoyeurs interviennent» car, disent-ils, «cela pose des problèmes de financement. Ces mesures se chiffrent à plusieurs milliards de francs». Les sociétés de transport de fonds prennent en considération les prétendus problèmes de leurs clients, mais laissent leurs salariés risquer leur vie, pour un salaire avoisinant le Smic.

Et que dire du gouvernement qui a attendu cinq mois avant de signer les décrets d'application de cette loi ? Quand il s'agit de prendre des décisions contre les travailleurs, les mêmes ne tergiversent pas tant. Aujourd'hui, alors qu'une nouvelle victime vient allonger la liste des morts, le gouvernement réunit table ronde sur table ronde, pour soi-disant examiner la situation et étudier des solutions.

Mais jusqu'à quand va-t-on se réfugier devant un tel rituel, totalement inopérant, uniquement destiné à gagner du temps, c'est-à-dire à protéger les profits des sociétés de transport de fonds et des sociétés donneuses d'ordres ? Si ce gouvernement était au service des travailleurs, s'il faisait preuve d'autant d'autorité qu'il est capable d'en avoir face aux pauvres, face aux travailleurs, rien ne l'empêcherait d'imposer les mesures exigées par la protection de la vie des convoyeurs, sous peine de mise sous séquestre des biens de ceux qui refusent d'appliquer les mesures de sécurité et qui, de ce fait, mettent délibérément la vie des travailleurs en danger.

Marianne LAMIRAL

Jean-Luc Hulot, assassiné le 3 janvier dans le hall de l'Institut Gustave-Roussy de Villejuif alors qu'il effectuait son travail de convoyeur de fonds, était un de nos camarades. Âgé de 40 ans, il avait commencé à travailler à 16 ans comme serveur, puis était devenu convoyeur dans une société de transports de fonds, rachetée par la suite par la Brink's. Il avait trois enfants.

Connu pour ses idées, apprécié de ses camarades de travail, qui souvent le surnommaient «Arlette», il avait été de tous les combats menés par les travailleurs de ce secteur pour obtenir une meilleure sécurité, et notamment bien sûr de leur dernière grève au mois de mai dernier.

Cette nouvelle affaire de meurtre d'un convoyeur de fonds nous touche donc d'autant plus. Au nom de tous les militants de Lutte Ouvrière, nous exprimons notre solidarité à tous les amis, à tous les proches de Jean-Luc Hulot dans le drame qui les frappe ; et notre solidarité à tous les travailleurs de ce secteur dans la poursuite de leur combat, un combat qui était aussi celui de Jean-Luc.

Face aux élucubrations et autres ultimatums du Medef qui menace d'arrêter le versement des cotisations patronales aux caisses de retraites complémentaires du privé, la CGT, FO, la CFDT, la CGC et la CFTC appellent, le jeudi 25 janvier, à une «journée nationale d'action et de mobilisation des salariés et des retraités du secteur privé» pour «le maintien du droit à la retraite à 60 ans sans abattement, l'amélioration des conditions de départ anticipé et l'amélioration du pouvoir d'achat des retraités».

De fait, il y a de quoi s'inquiéter pour l'avenir des retraites, contre lesquelles l'offensive continue. Le Medef aimerait bien réduire les retraites complémentaires des travailleurs du privé et obtenir une nouvelle augmentation du nombre d'annuités de cotisation exigées pour bénéficier d'une retraite, et d'une retraite complémentaire à taux plein. De cette façon, il veut imposer l'obligation pour les travailleurs de continuer à travailler bien au-delà de soixante ans.

Le Medef fanfaronne, frappe du poing sur la table, encouragé par les silences complices du gouvernement. C'est à cela que les travailleurs doivent répondre, et pas seulement ceux du privé, ceux du public également. On vient ainsi d'apprendre que, discrètement mais ouvertement, le gouvernement a l'objectif d'imposer aux fonctionnaires dans les années qui viennent l'augmentation à quarante annuités de la durée de cotisation exigée.

Pour refroidir les impatiences du Medef qui joue le parfait duo avec le gouvernement, l'un dans l'éclat, l'autre dans le registre des messes basses, cette journée d'action et de manifestation du 25 janvier peut être une étape qui donne à réfléchir à l'un comme à l'autre.

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