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Grande-Bretagne : la vague de grèves prend de l’ampleur
Les grèves qui ont commencé au début de l’été se multiplient outre-Manche, la plupart du temps pour des augmentations de salaire. Il faut dire que l’inflation, aujourd’hui de 12 %, le plus fort taux des pays riches, devrait atteindre 18 % en janvier prochain, que les salaires ne suivent pas, et que les capitalistes font des profits exceptionnels.
Par exemple, l’entreprise DP World vient d’annoncer des bénéfices en hausse de plus de 50 % et atteignant en un semestre 721 millions de dollars, soit autant d’euros. Or en mars dernier P&O Ferries, filiale de DP World, avait licencié sans préavis 786 salariés, en expliquant que la viabilité de l’entreprise était en jeu et en remplaçant les travailleurs licenciés par d’autres issus de pays pauvres, payés deux à trois fois moins cher.
Les 18, 19 et 20 août, les grèves des transports ont été largement suivies. Les lignes de chemin de fer concernées et les transports londoniens étaient paralysés. Ce succès était attendu : en juillet, dans le cadre des consultations auxquelles les syndicats sont contraints pour déposer un préavis, 86 à 99 % des cheminots consultés avaient voté pour la grève. Ces grèves rencontrent le soutien de la population, y compris parmi les usagers.
Dimanche 21 août, environ 2 000 dockers du port de Felixstowe, dans le Suffolk, par lequel transitent 40 % du trafic de conteneurs du pays, se sont mis en grève pour huit jours. C’est la première grève depuis trente ans : les dockers exigent plus que les 7 % d’augmentation proposés par la direction, largement en dessous de l’inflation. L’entreprise qui gère ce port a fait 240 millions de livres de profits en 2020 et 2021, et aurait largement les moyens d’accorder les augmentations demandées.
72 % des postiers ont participé à la consultation organisée par leur syndicat, et 99 % des votants se sont prononcés pour la grève, qui commencera les 28 et 31 août. À Édimbourg, les éboueurs sont en grève depuis une semaine. Les travailleurs du NHS, le système national de santé, des collectivités locales et de l’éducation, sont également en train de voter sur une grève pour septembre. Même les avocats pénalistes d’Angleterre et du pays de Galles, qui réclament une augmentation de 25 % de la rémunération de l’aide légale versée aux avocats commis d’office, ont voté une grève illimitée à partir du 5 septembre.
Ces différentes grèves sont organisées sans coordination et de façon bureaucratique, ce qui les prive d’une force qui poserait d’autres problèmes au gouvernement et au patronat. Dans les chemins de fer par exemple, les trois syndicats posent des préavis à des dates différentes. Un des arguments est que cela multiplie les jours où le trafic est perturbé, à moindres frais pour les grévistes. Mais, en réalité, cette dispersion freine la dynamique du mouvement en cours.
Signe que le mé- contentement est pourtant fort, des grèves sauvages se sont produites dans des secteurs où les syndicats sont moins présents. Chez Amazon, des salariés ont cessé le travail, refusant l’augmentation de 35 pence de l’heure (70 euros par mois) proposée par la direction, alors que l’entreprise vient de faire 20 milliards de livres (24 milliards d’euros) de chiffre d’affaires au Royaume-Uni en un semestre. Ils réclament 2 livres de plus par heure, soit 400 euros par mois. Dans le raffinage et le bâtiment, d’autres grèves sauvages se sont produites en août.
Le gouvernement est aux abonnés absents, et le Premier ministre démissionnaire, Boris Johnson, est en vacances en Grèce. Mais Liz Truss, candidate à la direction du Parti conservateur et qui espère donc devenir Première ministre le 5 septembre, singeant son idole, Margaret Thatcher, annonce qu’elle s’attaquera aux « syndicalistes qui prennent le pays en otage ». Cette politicienne réactionnaire, qui avait écrit un livre-programme sur comment rendre sa grandeur au pays en s’en prenant à sa main-d’œuvre paresseuse, promet un service minimum dans les transports et des conditions plus restrictives dans les consultations que les syndicats doivent organiser avant toute grève.
Quant à la direction du Parti travailliste, dont les syndicats sont pourtant les principaux bailleurs de fonds, elle ne veut surtout pas afficher de soutien aux grévistes, et tient à faire la preuve de sa responsabilité pour l’alternance. Un député travailliste a récemment été sanctionné par le dirigeant Keir Starmer, pour le simple fait d’être allé sur un piquet de grève.
Pour que les travailleurs britanniques imposent leur droit à une vie digne, espérons que cette vague de grèves prenne encore de l’ampleur, et que les grévistes ne se laissent, ni impressionner par le zèle du gouvernement à l’égard des capitalistes, ni abuser par leurs faux amis travaillistes.