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Dans le monde
Algérie : incendies et désengagement de l’État
Touché par des sécheresses répétées et des records de températures, le nord-est de l’Algérie a été en proie à de violents incendies aux conséquences dramatiques. Quarante-trois morts, deux cents blessés, des dizaines de disparus, ce bilan s’alourdit chaque jour.
À Souk Ahras, les habitants de la cité des 400 logements ont dû fuir l’avancée fulgurante du feu. À El Tarf, des villages ont été encerclés par les flammes. Dans ces régions boisées et peuplées, les dégâts sont considérables, des forêts ont été dévastées, des troupeaux décimés et des vergers sont partis en fumée.
Le réchauffement climatique n’est pas seul en cause. En effet, un an après les feux gigantesques qui avaient ravagé la Kabylie, les moyens alloués à la lutte contre ce risque majeur sont insuffisants. À l’époque, plus de quatre-vingt-dix personnes avaient péri, dont des jeunes militaires envoyés pour prêter main-forte.
Le gouvernement s’était alors dédouané de ses responsabilités en criant au complot, accusant le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) d’avoir mis le feu pour le compte du Maroc. Il répondait ainsi au complotisme de ceux qui l’accusaient d’avoir délibérément mis le feu. Cette instrumentalisation des incendies, qui attisait les clivages entre arabophones et berbérophones, avait débouché sur le drame de Larba Nath Irathen. Djamel Bensmail, un jeune volontaire arabophone venu pour aider, avait été accusé à tort d’être pyromane, lynché et brûlé. Cet acte barbare n’avait cependant pas entamé l’immense élan de solidarité qui s’était manifesté, à travers tout le pays, pour venir en aide aux victimes des feux en Kabylie.
Ces incendies répétés sont aussi le produit du désengagement de l’État dans la gestion des forêts. Un décret de 2007 a permis la privatisation d’une forêt convoitée pour l’exploitation commerciale et par les promoteurs immobiliers.
Aujourd’hui, les moyens d’entretenir le massif forestier, de prévenir et d’éteindre les feux sont largement inférieurs à ceux qui existaient dans les années 1980. À cette époque, le pays disposait de 22 appareils de type Grumman pour lutter contre les feux de forêt. La commande de sept avions bombardiers d’eau faite à l’Espagne a été annulée en juin, après que le gouvernement espagnol a apporté son soutien au Maroc, au sujet du Sahara occidental. Aussi, cet été, un seul avion bombardier d’eau, loué à la Russie, a pu intervenir, quand il n’était pas en panne.
Pour un massif dense, étendu et au relief accidenté, les agents forestiers ne sont plus que 3 300 à gérer 414 postes de vigilance. 1 220 agents partis à la retraite n’ont jamais été remplacés. Quant aux pompiers de la Protection civile, victimes de coupes budgétaires drastiques, leur nombre et leurs moyens sont aussi insuffisants.
Encore une fois, face à la détresse des victimes des incendies, un élan de solidarité a animé les classes populaires de tout le pays. Mais, pour que l’argent public serve aux hôpitaux, à l’éducation, à prévenir et se protéger des catastrophes naturelles prévisibles, il leur faudra aussi imposer leur contrôle sur les richesses du pays.