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Maroc-Algérie : des tensions entretenues par les deux régimes
Le 1er novembre, trois routiers algériens qui traversaient le Sahara occidental seraient morts victimes d’un bombardement dû à par l’armée marocaine. Cette annonce exacerbe les tensions entre les deux pays autour de la question du Sahara occidental et pour le rôle dirigeant dans la région.
L’escalade s’est ouverte fin 2020 lorsque Donald Trump, alors président des États-Unis, a décidé de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël. Cette annonce a brisé le statu quo et ranimé le conflit au Sahara occidental, cette ex-colonie espagnole annexée en 1975 à 80 % par le Maroc. Pour contrôler ce territoire très étendu, au littoral poissonneux, riche en phosphates et permettant d’accéder par voie terrestre à ses voisins africains, le Maroc a mené la guerre au mouvement indépendantiste sahraoui du Front Polisario, soutenu militairement par l’Algérie. Après quinze ans de conflit, un cessez-le-feu conclu en 1991 sous l’égide de l’ONU entre le Maroc et le Polisario a débouché sur la promesse de l’organisation d’un référendum du peuple sahraoui sur l’autodétermination, une promesse qui ne fut jamais tenue.
Fin août, ces tensions ont conduit l’Algérie à rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc, accusé de complicité avec le MAK, (mouvement autonomiste kabyle) qualifié de terroriste et rendu responsable des incendies qui ont ravagé une partie du pays. Elle annonçait aussitôt la fermeture, fin octobre, du gazoduc alimentant l’Espagne via le Maroc, ce qui privait celui-ci d’un accès au gaz algérien et des redevances prélevées pour son passage.
Les populations des deux pays paient très cher les tensions entretenues par leurs gouvernements respectifs. Unies par la langue, la culture et de multiples liens familiaux, elles subissent depuis des décennies la fermeture des frontières. Elles le payent économiquement par la course à l’armement à laquelle se livrent les deux pays. Alors qu’elles sont frappées par une crise sociale sans précédent, un chômage de masse, une très forte inflation, des services publics qui se dégradent, une part croissante des richesses est dilapidée dans l’achat d’armes. L’Algérie est le plus gros acheteur d’armement en Afrique, avec 9,7 milliards de dollars en 2020. Quant au Maroc, ses dépenses d’armement ont augmenté de plus de 30 % en 2020 par rapport à 2019. Les deux pays totaliseraient plus de 60 % des achats d’armes en Afrique !
En Algérie, cette escalade et le climat sécuritaire qui l’accompagne permettent au pouvoir de faire taire les contestations. Au nom de l’unité nationale, le régime, qui a subi un mouvement de contestation inédit, en profite pour poursuivre les arrestations d’opposants. Le président Abdelmadjid Tebboune, qui cherche à renforcer sa légitimité, s’en prend aux alliés du Maroc, la France, les États-Unis et Israël, pour se poser comme cible d’une potentielle menace. Il espère ainsi gagner des appuis dans l’opinion populaire en flattant les sentiments anti-impérialistes existants, nourris par le chaos que provoquent les interventions en Libye, en Syrie et au Sahel. Il veut aussi se présenter comme le défenseur du droit des peuples à l’autodétermination pour son soutien verbal aux peuples palestinien et sahraoui.
Pour les peuples de la région, lutter contre l’emprise de l’impérialisme passe au contraire par le combat commun contre leurs propres dirigeants. À une politique nationaliste qui tend à jeter les peuples les uns contre les autres, doit s’opposer l’internationalisme des travailleurs.