Médecins : Le scandale des dépassements d'honoraires23/05/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/05/une2286.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Médecins : Le scandale des dépassements d'honoraires

Le journal Le Monde du 15 mai annonce que la question des dépassements d'honoraires des médecins « devrait être le premier chantier du futur ministre de la Santé », rappelant que François Hollande en avait parlé au cours de sa campagne. On verra si Marisol Touraine, nommée à ce poste en remplacement de Roselyne Bachelot, en fera ou non son premier chantier, mais il est vrai que le scandale de ces dépassements mériterait qu'elle s'y penche.

Les dépassements d'honoraires sont le fait de médecins généralistes en secteur 2 « secteur conventionné à honoraires libres » et de médecins hospitaliers qui bénéficient de l'existence du « secteur privé à l'hôpital ».

Le secteur 2 a été créé en 1980 pour permettre aux médecins d'augmenter leurs tarifs tout en maintenant le secteur conventionné dit secteur 1 dans lequel les tarifs sont ceux de la Sécurité sociale. Mais devant l'explosion du nombre de médecins s'inscrivant en secteur 2, notamment des spécialistes, le système a été réservé en 1990 aux plus diplômés d'entre eux, anciens assistants des hôpitaux, chefs de clinique et praticiens hospitaliers. Aujourd'hui un médecin sur quatre, généralistes et spécialistes, est en secteur 2, pratiquant des tarifs de consultations qui peuvent aller jusqu'à plus de cinq fois le tarif Sécurité sociale.

À l'hôpital le « secteur privé » a été créé en 1958 dans le cadre de la réforme Debré qui a donné naissance aux Centres hospitalo-universitaires (CHU). Des médecins renommés qui exerçaient jusqu'alors plutôt dans les cliniques privées étaient autorisés à consacrer 20 % de leur activité à ce « secteur privé » avec dépassements d'honoraires, leur seule contrainte étant de payer à l'hôpital une redevance pour l'utilisation des équipements hospitaliers et le travail de leurs collaborateurs, médecins, infirmiers et secrétaires.

Dès 1980 la Cour des comptes a dénoncé des dépassements d'honoraires exorbitants de la part de médecins qui consacraient bien plus que 20 % de leur activité au privé. Aujourd'hui il n'est pas rare, quand on téléphone dans un service, de se voir proposer un rendez-vous rapidement en « privé » ou bien plus tard en « public ». En 1981, Mitterrand, dans ses dix propositions pour la santé, prévoyait la suppression du secteur privé et Ralite, ministre de la Santé et l'un des quatre ministres communistes, l'annonçait pour la fin 1986. Les lenteurs voulues de la gauche et le retour au gouvernement de la droite en 1986 enterrèrent les promesses de 1981.

Aujourd'hui sur 45 000 médecins hospitaliers, 4 524 ont droit au « secteur privé » et d'après le manifeste des 200, 1 864 pratiquent des dépassements d'honoraires... et ne s'en privent pas. 60 millions de consommateurs cite une opération de la cataracte facturée jusqu'à 1 490 euros à l'Hôtel-Dieu à Paris quand la Sécurité sociale ne rembourse que 271,70 euros. Libération mentionne un urologue de l'hôpital Cochin à Paris dont la consultation est à 150 euros et qui facture près de 4 000 euros une opération d'ablation de la prostate. En 2012 il a ainsi touché 593 000 euros grâce au privé, alors que le salaire mensuel d'un praticien hospitalier varie entre 6 000 et 9 000 euros.

Les 200 médecins hospitaliers signataires du manifeste demandent la suppression du « secteur privé à l'hôpital ». Ils dénoncent aussi les dépassements d'honoraires en ville et demandent la revalorisation des tarifs de la Sécurité sociale. Ils ont bien raison de critiquer les scandaleux dépassements d'honoraires qui réservent l'accès aux soins aux plus riches, à tous ceux qui peuvent payer quand les autres doivent reculer leurs soins ou y renoncer. Ces dépassements doivent être interdits.

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