Air France et son « plan social » : Un démenti qui ne dément rien23/05/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/05/une2286.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Air France et son « plan social » : Un démenti qui ne dément rien

Le Figaro avait à peine annoncé le 20 mai qu'Air France voulait supprimer 5 000 emplois que la majeure partie des médias titrait, tel le gratuit 20 Minutes : « La direction dément toute rumeur de plan social ». Alors, annulées, les suppressions d'emplois ? Certainement pas.

La direction de la compagnie joue sur les mots, et sur les nerfs de ses salariés, quand elle dit que « nous sommes à ce jour dans l'incapacité de dire ou de donner un chiffre » des emplois à supprimer. Certes, à ce jour, mais cela va venir...

Annonçant à l'automne son plan d'économies renforcées, la direction d'Air France avait dit qu'il s'agissait d'un premier volet qui n'excluait pas d'éventuelles réductions d'emplois. De Juniac, PDG d'Air France et homme de droite, et Spinetta, président du groupe Air France-KLM proche du PS, avaient décidé d'en différer l'annonce à après la présidentielle, pour que ses principaux protagonistes, Sarkozy et Hollande, n'aient pas à se prononcer sur le sujet. Les travailleurs, eux, ne perdaient rien pour attendre.

Profits et suppressions d'emplois à tour de bras

Avant même la réunion du comité central d'entreprise du 24 mai, où la direction doit annoncer les grandes lignes de son plan social, elle dit compter sur « 1 000 départs naturels chaque année » d'ici 2015.

Outre d'autres emplois supprimés dont l'annonce est à venir, cela en fait déjà 3 000 de disparus d'une façon qui n'a rien de naturel, car il s'agit de départs en retraite non remplacés. Cela se traduira par une surcharge de travail pour qui gardera le sien, une diminution de la masse salariale et donc une hausse des recettes pour la compagnie. En fait, pour ses actionnaires. Car il faut rappeler que c'est un gouvernement de gauche, celui de Jospin et de son ministre des Transports Gayssot, n°2 du Parti communiste, qui avait engagé la privatisation d'Air France en 1999.

Depuis, au fil de divers plans d'économies, Air France a déjà fortement réduit son personnel. Rien que sur les cinq dernières années, 10 000 emplois ont ainsi disparu : près d'un sur sept. Cela alors que la compagnie était connue pour engranger des milliards de profits depuis des années. Ce « trésor de guerre », comme elle l'appelait, lui a permis de faire passer dans son orbite certaines de ses concurrentes, dont KLM et Alitalia, et il y a un an d'acheter plus d'une centaine d'appareils dernier cri.

Sous-effectifs, heures supplémentaires et apprentis non embauchés

À l'époque, pour qu'ils se serrent la ceinture, on disait aux travailleurs : « Tout va bien, mais il faut tout faire pour garder la première place » ; ou : « Nous sommes numéro un, mais la concurrence guette »... Autant dire que les difficultés financières qu'invoque la direction pour justifier son plan actuel de deux milliards d'économies supplémentaires ne sont qu'un nouveau prétexte pour exiger toujours plus de sacrifices. Les prétextes changent, ce qui reste c'est sa politique d'attaque contre les travailleurs de la compagnie.

Pour l'heure, la direction n'a pas rendu publiques toutes ses intentions en matière d'emploi, mais elle cherche partout à mettre le personnel en condition en martelant, via l'encadrement : « Lufthansa, confronté aux mêmes problèmes, vient de supprimer 3 500 emplois » ; ou, à la Maintenance : « On est en sureffectif. »

En sureffectif ? Mais par rapport à quoi, quand la charge de travail ne cesse d'augmenter, tandis qu'ouvriers, techniciens, agents, navigants sont de moins en moins nombreux ? Ainsi en avril, à la Maintenance de Roissy, il y a eu près de 3 000 heures supplémentaires pour faire face aux besoins sur fond de sous-effectif croissant. Et la Direction des affaires industrielles, qui se vante de sa politique d'apprentissage en empochant les subventions qui vont avec, vient de convoquer les jeunes apprentis pour leur annoncer qu'elle ne les embaucherait pas.

Une attaque en règle contre les salariés

Dans la revue de la direction Concorde, le DRH détaille certaines mesures déjà rendues publiques : suppression de RTT, de bonifications pour jours de congés en hiver, de l'ancienneté, des augmentations générales, flexibilité accrue des horaires, chasse aux « temps morts »... Il y indique que le but de tout cela est de récupérer de dix à douze jours de travail par salarié de la compagnie !

Alors, quand les avions sont pleins (82,5 % de taux de remplissage), que la recette unitaire par siège est la meilleure du secteur en Europe, que le chiffre d'affaires est en croissance de 6,8 %, qu'Air France a les moyens de jeter des milliards dans une politique de développement mondial (rachat de compagnies, achat de nouveaux appareils...), les travailleurs n'ont nulle raison de croire une direction qui prétend avoir des « comptes dans le rouge ».

Cela, il faudrait d'abord qu'ils puissent le vérifier par eux-mêmes. En attendant, pas question d'accepter de sacrifier son emploi, son salaire, ses congés, ses forces pour des actionnaires ou pour les membres d'une haute direction dont les salaires tournent autour de un million d'euros par an !

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