Dépassée, la grève?11/01/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/01/une1954.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Dépassée, la grève?

Selon un récent rapport de la Dares, organisme de statistiques du ministère de l'emploi, le nombre de jours de grève dans le secteur privé aurait baissé de 14% en 2004, et confirmerait donc une chute de 50% depuis dix ans. Des commentateurs se sont félicités que la grève soit passée de mode...

Des chiffres sont là...

Les totalisations comptables des journées de grève fournies, bon an mal an, par la bourgeoisie ne sont pas inutiles. À ceci près que depuis 1996, les transports ne sont plus intégrés à l'ensemble (bonjour la comparaison sur une durée plus longue!). À ceci près aussi que les statistiques extraites des rapports des inspections du travail, sous-estimeraient sérieusement la réalité, mais puisqu'il y aurait une stabilité dans l'erreur, ce serait tout bon!

La version officielle comptable de la réalité sociale présente néanmoins son intérêt.

Première constatation: la question des salaires reste en tête des revendications. Elle est à l'origine de 39% des conflits (un peu plus même qu'en 2003), et en premier lieu dans les entreprises qui ont réalisé d'importants bénéfices. Les salariés ne mènent pas uniquement des combats le dos au mur pour défendre leur emploi. Effectivement, ces derniers mois, à la suite de courtes grèves, les travailleurs de nombreuses entreprises ont obtenu, sous forme de primes annuelles bien souvent, de 200 à 500 euros.

Deuxième constatation: si les jours de grève sont en diminution, celui des grévistes participant à ces mouvements est resté stable. La situation n'est pas identique dans tous les secteurs. Ainsi le nombre de jours de grève est en augmentation dans la chimie, le textile, les composants électriques et électroniques, les biens de consommation, les industries agricoles et alimentaires, et les services.

Le rapport révèle enfin que les grèves sont plus courtes, mais plus mobilisatrices et la participation en hausse depuis deux ans. Ainsi en 2004, on a dénombré 36% de grévistes dans les établissements en conflit, contre 30% l'année précédente.

Mais les motifs de mécontentement sont là aussi

Les patrons, aidés et épaulés par le gouvernement, poursuivent leurs attaques contre les salaires, les conditions de travail et l'emploi (licenciements dans les entreprises privées et compression de personnel dans le service public). Certes, depuis le début des années 1980, la courbe descendante des grèves suit effectivement la courbe ascendante de l'offensive patronale et gouvernementale. Le chômage massif et la précarité pèsent sur le moral et la combativité. Mais force est aussi de constater que les possédants ont bénéficié de l'appui multiforme des appareils politiques de gauche (au gouvernement comme dans l'opposition) et des directions syndicales, de la CFDT mais aussi de la CGT.

La politique de négociations tous azimuts, pour obtenir des syndicats leur signature à tous types de reculs, a été lancée par les lois Auroux de 1982. Reculs sur les salaires, reculs sur la flexibilité (sous prétexte de 35 heures), reculs sur le ré-allongement du temps de travail (passage de 35heures à 36heures, 37heures 30 voire 40heures, sans compensation salariale, comme l'offensive en est lancée chez Bosch, Hewlett Packard ou Fenwick). Chantage à l'emploi devant lequel des travailleurs craquent, peu encouragés par des dirigeants syndicaux qui ont accompagné ces politiques patronales. Sans oublier la nouvelle mode des accords anti-grève, à la RATP comme à la SNCF, à laquelle dans ce dernier cas y compris la fédération CGT a cédé! Si ce n'est pas une façon de dire à tous que la lutte doit laisser la place à la négociation, et qu'on pourrait et devrait s'entendre, avec ces patrons et ces gouvernements qui depuis plus de 20 ans, ont bloqué les salaires, condamné des millions de travailleurs au chômage ou à la précarité, pressuré et démantibulé les services publics?

L'année écoulée a vu, malgré tout, deux journées nationales des 10 mars et 4 octobre, largement suivies. De nombreuses grèves pour les salaires et l'emploi dans de petites entreprises du privé. Des conflits longs à la SNCM comme à la RTM. Sans parler de cette grève reconductible à la SNCF, que les directions syndicales ont tout fait pour ne la lancer qu'après que le travail ait repris à la SNCM et RTM, et tout fait pour ne pas la voir reconduite! Des luttes donc, mais en ordre dispersé, prises en main par des appareils qui ne veulent surtout pas donner le goût de la riposte commune, selon un plan clairement exposé qui fixerait les différentes étapes de l'offensive nécessaire.

Les grèves dépassées... vive la révolte généralisée?

Et si la révolte des banlieues, qui a aussi marqué l'année 2005, avait à voir avec ces fichues statistiques de grèves? Si quand les parents trinquent et donnent l'impression d'encaisser, les enfants cassaient? À cette jeunesse ouvrière paumée, une petite gauche bien propre tend aujourd'hui... le bulletin de vote! Inscrivez-vous et réinscrivez-vous sur les listes électorales! Comme si c'était ça et rien que ça, pour les exploités, faire de la politique! Quelques-uns suivront le conseil.

Aux autres, seule la classe ouvrière, en particulier sa fraction jeune, peut et doit offrir, par l'exemple, un avenir de lutte et d'organisation collective et consciente. La tâche des révolutionnaires est de l'y aider en affichant drapeau et perspectives. Car la lutte est surtout éparpillée et étouffée par tous ceux qui serrent les verrous de cette société de profit.

Laurence VINON

Convergences Révolutionnaires n° 43 (janvier-février 2006)

Bimestriel publié par la Fraction

Dossier: La crise permanente du logement.

Articles: Une année sans élections... - Le mythe de la "police de proximité" - SNCM, RTM, SNCF: les grèves torpillées de 2005 - Bosch, Fenwick: l'allongement du temps de travail - Des CCP à la banque postale: la privatisation en marche - Belgique: attaque contre les préretraites - États-Unis: Une nouvelle centrale syndicale - Iran, Irak: le mouvement ouvrier et communiste sous le feu.

Pour se procurer ce numéro, 1,5 euro, ou s'abonner (1 an: 9 euros; de soutien: 15 euros) écrire à: LO, pour la Fraction, BP 233-75865 Paris Cedex 18ou Les Amis de Convergences, BP 128-75921 Paris Cedex 19Sur le Net: http://www.convergencesrevolutionnaires.org

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