Tchad : Victimes de la dictature et des compagnies pétrolières11/01/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/01/une1954.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Tchad : Victimes de la dictature et des compagnies pétrolières

La Banque Mondiale a annoncé le 6 janvier qu'elle interrompt tous ses programmes de financement au Tchad, soit environ 124millions de dollars, invoquant le fait que le gouvernement tchadien n'utilise pas convenablement l'argent qu'il tire de l'exploitation du pétrole du pays.

Le Tchad, dont 80% des 10 millions d'habitants vivent avec moins d'un dollar par jour, est un pays producteur de pétrole, sans que cela change quoi que ce soit pour la majorité de la population, sinon en pire. Trois cents forages dans le sud du pays sont exploités par un consortium regroupant deux sociétés américaines, ExxonMobil et Chevron, ainsi que la compagnie malaisienne Petronas. Depuis juillet 2003, un oléoduc de 1000 kilomètres achemine ce pétrole jusqu'au port de Kribi au Cameroun. Il a été financé par un prêt de la Banque Mondiale.

Celle-ci avait présenté l'accord conclu avec le Tchad et le Cameroun comme très moral, car il prévoit que l'essentiel des revenus pétroliers des deux États soit pour une partie investi dans des secteurs tels que l'éducation, la santé, l'eau potable, et pour une autre partie déposé sur un compte bloqué à la City Bank à Londres, censé servir aux générations futures. Mais le 29 décembre dernier l'Assemblée nationale tchadienne a adopté un projet de révision de la loi, présenté par le gouvernement d'Idriss Déby, qui remet en cause l'accord avec la Banque Mondiale.

Le président de cette banque, Paul Wolfowitz, dénonce un détournement opéré par l'État du Tchad. Il a l'indignation sélective. En effet, juste avant d'être nommé à ce poste en mars 2005, il était sous-secrétaire d'État américain à la Défense, autrement dit l'adjoint de Donald Rumsfeld et donc l'un des principaux responsables de la guerre contre le peuple irakien. Il a donc une bonne expérience dans le détournement des fonds publics vers l'armée, c'est-à-dire vers les capitalistes qui en vivent, pour un budget infiniment supérieur à celui du Tchad, puisque les opérations militaires en Irak coûtent plus d'un milliard de dollars par semaine, dix fois la totalité des revenus du pétrole versés à l'État du Tchad pour l'année 2004.

La Banque Mondiale ne pouvait ignorer qu'Idriss Déby, au pouvoir au Tchad depuis 1990 et qui s'y maintient avec l'aide d'un millier de soldats français stationnés dans le pays, n'utiliserait pas les revenus pétroliers pour améliorer le sort de la population du Tchad. Mais cela n'a pas retenu la Banque Mondiale de s'impliquer dans une affaire dont les principaux bénéficiaires sont, en réalité, les compagnies pétrolières. Celles-ci ne laissent en effet que 12,5% des revenus pétroliers à l'État tchadien. Un rapport d'Amnesty International publié en septembre 2005 a dénoncé ces contrats, qui donnent tous les droits aux compagnies pétrolières face aux habitants de ces pays privés des ressources de la chasse ou de la terre, et dont certains sont victimes de pollutions liées à l'exploitation pétrolière.

Ce n'est évidemment pas un hasard si la Banque Mondiale a fait silence là-dessus. Ses dirigeants peuvent, à l'occasion, montrer du doigt le dictateur d'un pays pauvre, mais jamais les compagnies pétrolières, même si celles-ci font des ravages considérables parmi la population et avec la complicité de la dictature locale.

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