Mineurs sans papiers : Non aux expulsions!11/01/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/01/une1954.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Mineurs sans papiers : Non aux expulsions!

Jeudi 22 décembre, un enfant âgé de huit ans originaire du Mali a été arrêté à sa descente d'avion. Placé dans la zone d'attente de l'aéroport de Roissy, il y a été embarqué le 24décembre dans un avion pour Bamako, via Tripoli. Sa mère, venue le chercher, n'a pas pu le voir.

Ce tout jeune Malien n'est pas le seul mineur étranger à subir un tel sort. D'après l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, l'Anafé, le nombre de mineurs étrangers refoulés est en augmentation. En 2004, sur 1276 mineurs maintenus en zone d'attente, dont 860 "isolés", c'est-à-dire des mineurs étrangers séparés de leurs parents ou d'un quelconque tuteur légal, seuls 165 ont été admis sur le territoire.

Un enfant maintenu en zone d'attente risque à tout moment d'être refoulé sans que même ses propres parents en soient avertis, comme dans le cas du jeune Malien. Depuis la loi du 4 mars 2002, le procureur de la République devrait au plus vite désigner un administrateur pour assister les mineurs isolés et les aider dans toutes les procédures administratives et juridiques. Mais en pratique la loi n'est pas respectée. L' administrateur n'est pas présent au moment où le mineur apprend que son entrée sur le territoire lui est refusée et qu'il est placé en zone d'attente. Dans deux cas sur trois, selon le témoignage du président du tribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenczveig, le mineur a même déjà été renvoyé lorsque l'administrateur se présente. On imagine le désarroi d'un mineur -et il peut s'agir d'un tout petit enfant- seul, ne parlant parfois pas du tout la langue.

Le jeune âge d'un mineur étranger ne le protège aucunement contre les violences dont sont parfois victimes les adultes, principalement lors de leur renvoi. Ainsi, en 2003, la Commission nationale de déontologie et de la sécurité, la CNDS, a été saisie par la défenseure des enfants pour des violences subies par un mineur de 15 ans de nationalité chinoise. L'avis de la CNDS est édifiant. Elle a pu établir que ce jeune Chinois "a reçu des coups en lien direct avec la tentative de rembarquement: coups donnés au visage, blessures au poignet provoqués par la torsion volontaire des menottes, technique appelée par les gardiens de la paix "la mobylette"".

Souvent les services de la Police des Frontières contestent la minorité de l'étranger, même lorsqu'il est en mesure de présenter un document d'état civil. Il est alors procédé à des examens médicaux qui sont, de l'aveu même du corps médical, "mauvais scientifiquement" et qui ne peuvent fournir qu'une estimation très approximative de l'âge de la personne. La marge d'erreur serait de plus ou moins dix-huit mois! C'est pourtant sur cette base qu'un grand nombre de mineurs sont traités comme des majeurs et sont, de ce fait, privés de l'assistance d'un administrateur, et surtout renvoyés dans la zone d'attente des adultes, lesquels vivent souvent dans des conditions bien plus pénibles.

Les expulsions sont décidées parfois très rapidement, en moins de 24 heures. Et les enfants peuvent être renvoyés, non dans leur pays d'origine, mais dans le pays par lequel ils ont transité en dernier lieu avant d'arriver en France.

L'un des principaux arguments utilisés par la Police des Frontières et le ministère de l'Intérieur, pour justifier le renvoi des mineurs, est soi-disant de décourager les "trafiquants" d'enfants et de démanteler les filières. Mais comme le souligne l'Anafé, "cet argument serait crédible si, dans le même temps, les moyens étaient mis en oeuvre pour sauver les victimes -les mineurs- des mains des trafiquants. Tel n'est pas le cas: en France, comme cela a été dénoncé par le rapport de la mission d'information sur la traite humaine, le système de protection est inexistant ou défaillant. (...) Maintenir un mineur en zone d'attente avec une perspective de renvoi, c'est punir la vitime et non le criminel."

La Police des Frontières ne cherche évidemment pas à comprendre la détresse du mineur qui fuit parfois des persécutions, des guerres civiles, et encore moins à "protéger" les enfants sans papiers de quoi que ce soit. Bien au contraire. Elle suit froidement l'objectif fixé par le ministre de l'Intérieur, qui est de refouler le maximum d'étrangers.

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