Le gouvernement peut bien annoncer qu'il fait de la lutte contre le chômage sa priorité n°1, une entreprise publique qui dépend de lui comme la SNCF ne se retient pas de programmer 2750nouvelles suppressions d'emplois en 2006, après les 14000 enregistrées depuis trois ans, dans cette entreprise qui emploie directement 165000 salariés.

Dans le même temps, la SNCF table sur une progression de 8,4% des trafics par rapport à 2005: cela laisse présager une intensification du travail qu'elle espère imposer dans tous les services.

À Rennes, cela se traduit déjà par des "restructurations" touchant notamment les bureaux administratifs, le Centre de ligne directe (achat de billets par téléphone) et le magasin des ateliers. Résultat: suppression de postes et recours croissant aux contrats précaires.

Ceux-ci deviennent la règle dans bien des secteurs: en gare, pour effectuer l'accueil des passagers et le filtrage d'accès aux TGV, des jeunes travailleurs ont été embauchés en CDD pour quelques mois. Aux ateliers où sont rénovées les rames de trains de banlieue parisienne, il y a depuis deux ans un recours périodique aux travailleurs intérimaires.

Pour l'avenir proche, c'est le service commercial qui est dans le collimateur de la direction. Elle prétend supprimer un tiers des guichets, sous prétexte que les ventes par internet augmentent, alors que les files d'attente ne diminuent pas. Le personnel qui y travaille est très majoritairement féminin dont les deux tiers en CDD.

Les horaires sont sans cesse remis en cause par la direction. Pour gagner sur les effectifs, elle fait tourner des agents sur différents postes, parfois sur plusieurs villes, qu'il s'agisse du secteur commercial, de l'Escale (activités en gare) ou des postes d'aiguillage. De plus en plus, ils n'ont pas de planning et ont connaissance de leurs horaires de travail au dernier moment, parfois au jour le jour. Ainsi, bien des conducteurs du dépôt de Rennes ne sont informés de leurs horaires et des trains qu'ils devront conduire que la veille pour le lendemain, voire le matin pour l'après-midi... À l'Exploitation, il arrive qu'on ne sache pas quand on aura sa prochaine journée de repos; la direction n'y respecte d'ailleurs pas ses propres règlements concernant le nombre de repos accordés aux agents. Quant aux conditions de travail, elles se dégradent avec la recherche permanente de meilleurs rendements sur le dos des seuls agents.

Aux guichets, les agents subissent la pression continuelle de l'encadrement pour remplir des "objectifs de vente", c'est-à-dire qu'ils doivent vendre chaque mois une quantité prédéfinie de cartes senior, de billets 1èreclasse ou "train + hôtel", etc. Ils sont régulièrement chronométrés, on contrôle leur temps de connexion au serveur. La SNCF croit stimuler l'esprit de compétition des vendeurs en affichant régulièrement un classement et en promettant aux "meilleurs" des bons d'achat de 10, 20 ou 30euros dans les grands magasins!

Dans tous les secteurs, les conditions de travail sont devenues telles qu'il y a une forte augmentation des départs anticipés, quand ce n'est pas la SNCF qui met elle-même à la réforme des travailleurs âgés ou malades qui ne peuvent pas suivre ses exigences de rendement et qu'elle refuse de reclasser. D'après les statistiques réalisées pour la SNCF Bretagne, les arrêts maladie, les accidents de travail mais aussi le nombre de décès de cheminots en activité augmentent. À la chaudronnerie et à la peinture (secteurs des ateliers), des jeunes sont reclassés au bout de deux ans à cause de troubles musculo-squelettiques ou à cause d'allergies vraisemblablement dues aux produits chimiques utilisés.

Au mois de novembre dernier, les ouvriers des ateliers de grenaillage et peinture ont appris qu'ils ont utilisé pendant des années un enduit dont le talc contient de l'amiante. Mais il a fallu que des militants de la CGT bataillent face à la direction pour que les travailleurs soient informés et pour faire assurer leur protection. Et quand il s'est agi de faire dépolluer le site, la SNCF a eu recours à des travailleurs intérimaires armés de simples balais: ceux-ci n'ont été prévenus de la nature des poussières amassées que par l'intervention de cheminots présents!

Ceux que la presse présente volontiers comme des privilégiés sont loin de toucher les salaires mirobolants qu'elle met parfois en avant: au moins 30% des cheminots gagnent à peine 1000 euros par mois. Aux guichets, la plupart des employées sont à temps partiel, avec des salaires inférieurs à 900 euros. 900euros, c'est aussi ce que touchent par mois des femmes de ménage embauchées par la SNCF avec 30 années d'ancienneté. À l'Escale, un chef a droit à 1200 euros mensuels après 20 années de SNCF. Aux ateliers, où les embauches se font aussi au smic, les ridicules primes d'équipe et de salissure ne permettent même pas d'atteindre les 1100 euros. Chez les conducteurs aussi, la direction s'en prend aux salaires; elle vient d'instaurer des procédures d'embauche avec des salaires à 1100 euros pour conduire des trains de marchandises.

En 2006, la SNCF espère réaliser un bénéfice de 330millions d'euros, en augmentation de 130%, soit tout de même plus de 2000 euros par cheminot. La SNCF aurait donc largement de quoi augmenter nos salaires.