Leur société

La révocabilité : Sauce Mélenchon

« Un pourcentage d'électeurs peut à tout moment faire demander au peuple si le mandat d'un élu est confirmé ou stoppé ». Une telle proposition, faite par Mélenchon dans son livre intitulé L'Ère du peuple, semble aller dans le bon sens. Mais là où le bât blesse, c'est que ceux qui détiennent le véritable pouvoir dans la société, grâce à l'argent et à leur position dans l'économie, la bourgeoisie et le patronat, ceux-là, Mélenchon n'en parle pas.

Et, si l'on ne touche pas à ce pouvoir, on ne pourrait assister qu'à des ravalements de façade tout à fait du même type que les changements intervenus lors de la dernière élection présidentielle, sans rien changer de fondamental.

Mélenchon s'appuie sur le fait que Hollande avait émis l'idée, en 2006, d'un « exercice de vérification démocratique au milieu de la législature » et, comme on en arrive en novembre au mi-mandat présidentiel, il lui suggère de « demander aux Français s'ils veulent le garder à l'Élysée » et ajoute : « Ce serait commencer la VIe République en France par une insurrection légale. Un vrai début. »

C'est quand Mélenchon tente de préciser ce que serait sa VIe République que la baudruche se dégonfle : son « insurrection du peuple » n'égratigne même pas cette oligarchie financière dont il dénonce le droit de veto sur les décisions du Parlement. Car que pèse cette prétendue insurrection dès lors qu'elle se limite à voter à un référendum, même « révocatoire », face à la puissance des Bouygues, des Peugeot, des Dassault, qui restent bien à l'abri, protégés par un État à leur disposition ? Ce n'est pas un vote de plus qui les empêchera de placer et de déplacer leurs capitaux comme ils l'entendent, aggravant l'exploitation des uns et mettant les autres au chômage. L'ex-dirigeant du Parti de gauche prétend « changer la règle du jeu », alors qu'il se propose de mettre une petite couche de vernis sur la démocratie telle qu'elle existe en France. Tout son art consiste à choisir des couleurs assez vives pour attirer l'oeil des électeurs de Hollande échaudés, à la recherche d'un sauveur.

L'élection de députés révocables, mais à tout moment, pourrait être un pas en avant dans l'exercice d'une véritable démocratie. Mais cela suppose, au lieu de chercher à rénover le fonctionnement des institutions actuelles, d'arracher le pouvoir économique et politique à la bourgeoisie.

En 1871, lors de la Commune de Paris qui dura 72 jours avant d'être écrasée dans le sang par la bourgeoisie, les travailleurs n'avaient pas fait de grands discours. Les élus à la Commune, payés le salaire d'un ouvrier, étaient révocables à tout moment, et ils remplaçaient, de façon très économique, le corps des hauts fonctionnaires. L'armée permanente était abolie. C'était un début de pouvoir des travailleurs, aux antipodes des perspectives d'un Mélenchon qui n'envisage aucunement de renverser le pouvoir de la bourgeoisie.

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