Espace : la lutte pour la suprématie17/07/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/07/une_2920-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Espace : la lutte pour la suprématie

Mardi 9 juillet, la réussite du premier vol d’Ariane 6 et la mise sur orbite de ses satellites ont été une prouesse technique et scientifique à mettre au compte des milliers d’ouvriers, de techniciens et d’ingénieurs d’ArianeGroup, du CNES, de l’Agence spatiale européenne (ESA) et de leurs sous-traitants.

Mais pour les patrons d’ArianeGroup, pour les dirigeants politiques européens, cet exploit signifie surtout le « retour de l’Europe dans l’espace ».

Depuis le début des années 2020, l’américain SpaceX « écrase » le marché, encore plus depuis la guerre en Ukraine et l’embargo sur les lanceurs Soyouz russes. D’autres pays, la Chine, l’Italie, le Portugal développent aussi, et avec succès, leurs propres lanceurs. Pour Elon Musk, propriétaire de SpaceX ou pour Airbus et Safran, propriétaires d’ArianeGroup, il s’agit de capter un marché en plein développement, la mise en orbite de satellites, en s’appuyant sur des organismes publics, la NASA pour SpaceX, le CNES et l’ESA pour Ariane. À entendre les représentants des États qui soutiennent tel ou tel lanceur, il s’agirait d’une question de « souveraineté », l’espace étant dorénavant un champ de bataille que les grandes puissances cherchent à conquérir pour y installer leurs satellites d’observation ou de communication, civils ou militaires, pour y démontrer et y assurer leur suprématie. La « souveraineté » des dirigeants politiques a donc beaucoup à voir avec le « marché » de leurs capitalistes nationaux.

Au lieu de mettre en commun leurs savoirs, les pas de tirs et les lanceurs, des équipes se font concurrence partout sur la planète, chacune redécouvrant ce que d’autres ont déjà acquis par ailleurs. Une coopération internationale existe cependant quand le principal enjeu est scientifique, comme on l’a vu avec le déploiement des satellites d’observation de l’espace Hubble et James Webb. Mais au regard des marchés et de la suprématie internationale, il n’en est pas question pour les lanceurs, et il n’en est pas question non plus pour les satellites. Il existe ainsi quatre systèmes de géolocalisation par satellite, le GPS américain, le Galileo européen, le Glonass russe et le Beidou chinois, rendant tous le même service. L’Inde prépare le sien, car chaque État veut se réserver le pouvoir de couper le service à ses ennemis en cas de conflit militaire. Pour la distribution à haut débit et partout sur terre d’Internet par satellite, les firmes comme Amazon, SpaceX, OneWeb mettent sur orbite des constellations concurrentes de milliers de satellites chacune. Les États européens ont pour projet de mettre sur orbite au plus tôt leur propre mégaconstellation, Iris2, et comptent sur Ariane 6 pour cela. Visiblement, dans la course au profit et à la suprématie, peu importe que l’espace soit à la fin saturé et que cela en devienne dangereux, un seul débris pouvant provoquer par une réaction en chaîne la destruction de centaines ou de milliers de satellites.

La guerre que se livrent les capitalistes pour les marchés et la lutte permanente entre nations constituent un immense gâchis de temps et d’énergie. Organiser rationnellement l’économie à l’échelle de la planète Terre, c’est devenu une nécessité aussi pour l’espace.

Partager