Pologne : défaite électorale pour le PiS18/10/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/10/2881.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pologne : défaite électorale pour le PiS

La coalition d’opposition au PiS (Droit et Justice) a remporté les élections législatives du 15 octobre en Pologne d’une courte majorité. Elle a obtenu 248 sièges, alors qu’il en faut 231 pour être majoritaire, lors d’un vote auquel la participation, 73,5 %, a été l’une des plus élevées dans ce pays depuis 1989.

Il n’y a guère d’illusions à avoir sur ce qu’apportera la « coalition civique » dirigée par Donald Tusk, sortie gagnante de cette élection. Reste que c’est sans regret que l’on verra les ultra-­réactionnaires du PiS, soutenus par le clergé, quitter le gouvernement, même s’ils restent le premier parti par le nombre de voix et si le président de la République polonaise, Duda, membre du PiS, reste en place avec un important droit de veto. Lors de ces élections et bien avant, la propagande du PiS a consisté en des tombereaux d’ordures, mêlant les préjugés anti-immigrants, la xénophobie, l’homophobie, l’antisémitisme, entre autres.

Espérant attirer à lui les électeurs grâce à ce type de démagogie, le gouvernement du PiS avait organisé un référendum le même jour, avec des questions ouvertement xénophobes sur la présence des migrants en Pologne. Mais ce référendum, que l’opposition appelait à boycotter, n’a recueilli que 41,73 % de participation.

Toujours sur ce terrain, le gouvernement polonais avait repoussé pendant plusieurs mois, fin 2021, les migrants afghans, syriens, africains, à sa frontière avec la Biélorussie, avant de se faire, depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, le champion de l’accueil des réfugiés ukrainiens. Leur nombre avait culminé en Pologne à 3 millions à l’été 2022. Le gouvernement leur avait permis une intégration rapide, en leur donnant très vite un numéro de Sécurité sociale leur permettant de trouver un emploi, en facilitant leur accès au logement et la scolarisation de leurs enfants. Mais il avait rebroussé chemin ces dernières semaines, et avancé que la Pologne en aurait trop fait pour les Ukrainiens. Dans la même veine nationaliste, il avait, comme d’autres gouvernements de pays d’Europe centrale, dénoncé la présence des produits agricoles ukrainiens qui font chuter les cours pour les agriculteurs polonais. Enfin, comme en écho aux hésitations de l’impérialisme américain, ce gouvernement, jusque-là fer de lance de l’aide militaire à l’armée ukrainienne, avait annoncé qu’il allait y mettre fin.

Tout cela n’a pas empêché la défaite électorale du PiS. Elle a, entre autres, reposé sur le dégoût inspiré par la restriction du droit à l’avortement. Celle-ci a provoqué à plusieurs reprises des tragédies, la mort de jeunes femmes enceintes, qu’un avortement, refusé au nom de la loi, aurait sauvées. Cette situation cruelle a poussé à plusieurs reprises, pendant des mois, des centaines de milliers de femmes à manifester dans la rue en 2016, 2018, 2020 et 2021, et en a sans doute poussé un bon nombre, parmi celles qui votaient habituellement PiS, à ne plus le faire. C’est probablement aussi le cas de bon nombre de jeunes, rejetant cette vision étouffante de la société.

Le PiS, au pouvoir depuis huit ans, avait, pour conquérir l’électorat populaire, ramené l’âge de la retraite à 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes. Il avait mis en place une allocation pour les mères de famille dès le premier enfant, avait accordé un 13e et 14e mois de retraite, et multiplié les subventions aux petits agriculteurs. Mais, par ailleurs, l’inflation, 14,8 % en 2022 et 9,5 % en août 2023, a dévoré les ressources de la population travailleuse. Et, même si le gouvernement du PiS l’a qualifiée de Poutine-­inflation, beaucoup peuvent faire le lien avec l’augmentation des dépenses engagées pour faire, selon l’ambition du gouvernement, de l’armée polonaise la première d’Europe.

Il n’y a cependant pas à attendre de la coalition dirigée par Tusk qu’elle améliore le sort des travailleurs. C’est lorsque Tusk était Premier ministre, entre 2007 et 2014, avant d’être président du Conseil européen, entre 2014 et 2019, que l’âge de départ à la retraite est passé à 67 ans pour les hommes comme pour les femmes. Selon Tusk, à l’époque, il s’agissait d’harmoniser la législation polonaise et la législation européenne. De même, lors de son exercice du pouvoir, les restrictions au droit sur l’avortement déjà en vigueur ont été maintenues.

Comme il l’a toujours été, Tusk sera le défenseur des intérêts de la bourgeoisie, polonaise comme européenne, comprenant sans broncher les souhaits des institutions européennes, ne se permettant sans doute pas les ruades extravagantes et grotesques de ses prédécesseurs. Il en sera de même sur le terrain de la guerre en Ukraine : les dirigeants impérialistes pourront être sûrs d’avoir en Pologne un responsable politique approuvant et comprenant toutes les nuances de leurs positions.

Pour ne pas voir reculer ses conditions de vie, pour ne pas risquer de servir de chair à canon de l’impérialisme, c’est en son sein que la population travailleuse polonaise devra trouver les forces capables de dépasser l’alternative trompeuse entre le PiS et la coalition de Tusk.

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