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Espagne : après les élections quel changement ?
Le résultat des élections générales du 20 décembre en Espagne, destinées à renouveler le Parlement et du même coup le gouvernement, a considérablement chamboulé les équilibres politiques habituels, marqués jusqu’à présent par une alternance entre le parti de droite, le Parti populaire (PP), et le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE).
Cette fois le PP, qui disposait jusque-là de la majorité absolue au Parlement, et dont le numéro un, Mariano Rajoy, est au pouvoir depuis 2011, a perdu 3 600 000 suffrages. Avec 123 sièges sur 350, il a perdu la majorité absolue mais dispose encore du plus grand nombre d’élus, et du coup se proclame le vainqueur du scrutin. Quant au PSOE qui, depuis 1978, alternait au pouvoir avec la droite, il subit un recul cinglant puisqu’il perd 1 500 000 voix. Avec 22 % des suffrages, il n’obtient plus que 69 sièges. Une partie importante de son électorat populaire, et des jeunes qui rejettent la droite, ont en effet voté pour Podemos, qui n’existait pas lors des élections précédentes, et qui, avec 20,7 %, obtient 69 élus. Une quatrième formation, Ciudadanos (Citoyens), se situant au centre droit, a fait son apparition elle aussi, captant 13,9 % des votants et obtenant 40 sièges.
Restaient aussi en lice à l’échelle de l’ensemble du pays diverses formations, dont la plus importante, la coalition Izquierda unida (IU, la Gauche unie) est liée au Parti communiste. Son influence électorale et sa représentation se sont considérablement réduites, puisque IU est passée de 11 députés à 2. Il faut dire que le système électoral est tel que, à ces élections, il suffisait de 58 600 voix pour élire un député du PP, mais qu’il en fallait 461 000 pour élire un député d’IU.
Plusieurs autres partis ayant une existence dans les grandes régions, en particulier au Pays basque, en Catalogne, en Galice et aux Canaries, ont des élus qui peuvent jouer un rôle dans la constitution d’une majorité. En tout cas, cette situation nouvelle et complexe reflète à sa façon le mécontentement, les interrogations et la volonté de changement qui existent depuis plusieurs années dans une partie importante de la population.
L’élection passée, l’heure est aux tractations, aux manœuvres, aux combinaisons pour chercher une issue dans le cadre des institutions. Il est hasardeux de vouloir faire des pronostics sur ce qui sortira des marchandages en cours. Mais on peut faire confiance à des politiciens chevronnés, même nouveaux venus, pour trouver des solutions et des compromis.
Le fait marquant de cette élection n’est pas là, mais dans ce qu’a voulu exprimer une partie de l’électorat. À l’évidence, des millions de gens ont voulu faire entendre qu’ils en avaient assez de la situation qu’on leur fait subir. Il y a la corruption d’une fraction des politiciens de tous bords, en collusion avec les milieux d’affaires, mais pas seulement. En effet, la plus grande partie de ce vote qualifié de protestataire par les politologues autoproclamés s’est porté sur Podemos. Ce parti a réussi à apparaître comme apportant une perspective de changement par rapport à la politique menée depuis des décennies, alternativement par le PSOE, représenté aujourd’hui par Pedro Sanchez, et le Parti populaire dont Mariano Rajoy reste aujourd’hui la figure de proue.
En fait, à en juger par ses déclarations, Pablo Iglesias, le leader de Podemos, qui parle de changement profond, ne mènera pas son combat sur le terrain des intérêts économiques et politiques des classes populaires. Il parle de certaines mesures sociales, mais refuse de mettre en avant les revendications essentielles, vitales, du monde du travail, celles qui impliqueraient d’imposer aux groupes capitalistes, au grand patronat, aux banquiers, de prendre sur leurs profits pour en finir avec le chômage, la précarité et les bas salaires. Son choix n’est pas de mener des combats sur le terrain de la classe ouvrière. Lorsque par exemple il met l’accent sur des réformes institutionnelles, il montre de tout autres préoccupations.
De ce fait, ceux qui ont voté pour Podemos, en espérant qu’il agira pour améliorer leur sort, risquent fort d’être déçus. Ce n’est certainement pas en demeurant sur le terrain institutionnel et parlementaire que l’on peut faire reculer les exploiteurs et leurs serviteurs.