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- Lutte ouvrière n°2473
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Editorial
S’ils parlent de tout changer, c’est pour ne rien changer
« Il faut changer la manière de faire de la politique » ! C’est, depuis les régionales, la comédie que nous jouent les politiciens. Et les voilà repartis pour les guerres intestines, pour les manœuvres et les promesses bidon à la population.
À droite, la ritournelle du changement vise surtout à déboulonner Sarkozy. Et Bruno Le Maire ou Nathalie Kosciusko-Morizet, qui ont tous deux été ministres du gouvernement Sarkozy-Fillon, de prêcher pour leur paroisse en clamant la nécessité de renouveler et de rajeunir le personnel politique !
À gauche, Hollande et Valls sont à la manœuvre. Après avoir repris les idées de la droite et du FN pour renforcer leur politique guerrière et sécuritaire qui ne nous protégera en rien contre le terrorisme, après avoir demandé au PS de retirer ses listes dans trois régions et fait voter pour les candidats de droite afin de battre le FN, ils se posent au-dessus des partis en rassembleurs de la nation.
Pour le symbole, le président de la République est allé saluer Xavier Bertrand, ex-ministre de Sarkozy, fraîchement élu à la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
De son côté, Valls a multiplié les appels du pied à la droite pour former une « union nationale contre le chômage », ou un « pacte républicain pour l’emploi »…Un pacte qui intéresse évidemment le Medef au plus haut point pour arracher de nouvelles exonérations et généraliser la précarité.
Que le PS et la droite puissent collaborer ne surprendra personne, ils sont interchangeables. Cadeaux au patronat, coupes dans les budgets de la santé, suppressions d’emplois dans la fonction publique, recul des droits à la retraite… il est devenu difficile de démêler qui, de la droite ou de la gauche, a le mieux servi la bourgeoisie.
Si les observateurs de la vie politique passent leur temps à s’interroger pour savoir si Macron ou Valls sont de « gauche » ou « socialistes », c’est bien la preuve que ces mots ont été vidés de leur sens et n’ont plus aucun rapport avec les intérêts des travailleurs ! Car leur politique est, de bout en bout, antiouvrière.
La loi de 2013 légalisant le chantage à la « compétitivité » et autorisant la baisse des salaires est une loi antiouvrière. La loi Macron, qui a restreint les droits des salariés licenciés et banalisé le travail du dimanche, en est une autre. Et la réécriture du Code du travail, qui remplacera les protections collectives par des droits à la carte, entreprise par entreprise, voire salarié par salarié, en sera une autre, et de la pire espèce.
Et si, à l’avenir, la gauche et la droite s’entendent, ce sera une manière différente… de mener la même politique. Car, pour ces politiciens, gouverner, c’est favoriser les affaires du patronat, c’est le subventionner à coups de milliards, c’est adapter les lois à l’exploitation capitaliste moderne.
Et à ces politiciens de gauche et de droite, il faut désormais ajouter les jeunes loups du Front national. Comme ils n’ont jamais gouverné et qu’ils se singularisent par leur démagogie nationaliste, protectionniste et anti-immigrée, ils font plus illusion que les autres, mais ils défendent la même vision de la société.
Comme le PS ou la droite, le FN ne jure que par l’intérêt des entreprises, la compétitivité et les parts de marché. Comme si la rentabilité et les profits des possédants faisaient le bonheur des exploités !
Des millions de travailleurs font chaque jour l’expérience de ce qu’est la compétitivité, ils savent ce qu’elle coûte au monde du travail en licenciements, en précarité, en bas salaires et en augmentation de cadences.
La compétitivité, c’est le nouveau mot pour justifier l’aggravation de l’exploitation et de la lutte de classe dans les entreprises. Tous les partis qui la réclament font le jeu du patronat. Et pendant qu’ils amusent la galerie avec leurs guéguerres politiciennes, la vraie guerre, celle que le patronat mène contre les salariés, se poursuit.
La semaine dernière, à coups de chantage à la délocalisation, la direction de l’usine Smart en Moselle a décidé d’augmenter le temps de travail à 39 heures payées 37. À la SNCF, la direction a annoncé la suppression de 1 600 emplois pour 2016 car, comme dans toutes les grandes entreprises, la suppression d’emplois y est une obsession… Et après on s’étonnera que le chômage augmente !
Il n’y a rien à attendre de tous ces politiciens. La politique apportera du nouveau pour les travailleurs quand ils seront eux-mêmes capables de rendre les coups au patronat qui les exploite. Lorsqu’ils seront capables d’imposer à la bourgeoisie que le fruit de leur travail serve aux emplois, aux salaires, aux retraites c’est-à-dire aux intérêts du plus grand nombre et à l’épanouissement de toute la population.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 21 décembre 2015