Crash du vol Rio-Paris : Circulez, y'a rien à voir...10/08/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/08/une2245.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Crash du vol Rio-Paris : Circulez, y'a rien à voir...

Le Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité dans l'aviation civile (BEA) a été chargé de l'aspect technique de l'enquête sur le crash du vol AF447 Rio-Paris, qui fit 228 victimes le 1er juin 2009. Cet organisme officiel vient de devoir reconnaître qu'il avait censuré son dernier rapport. Une association de familles des victimes et le principal syndicat de pilotes, le SNPL, qui avaient eu copie du rapport initial, ont en effet dénoncé le fait qu'un élément embarrassant pour Airbus en avait été retiré avant publication.

Plus de deux ans après le drame, tout se passe comme si, en haut lieu, on cherchait à faire porter la faute du crash aux seuls pilotes. Le dernier rapport du BEA laissait ainsi entendre qu'ils n'avaient pas réagi comme il le fallait quand l'appareil avait « décroché », chuté brutalement en langage aéronautique. Mais il comportait aussi une « recommandation » visant le fonctionnement des alarmes de décrochage. Seulement, soulever la question des alarmes -- l'équipage du Rio-Paris n'ayant apparemment pas compris à temps que l'avion piquait vers la mer -- soulignait une carence de l'A330 et de son constructeur, le géant Airbus.

Puisque, avant de les publier, le BEA soumet ses rapports aux parties concernées, on a joué de la gomme à effacer au profit d'Airbus. Et d'autant plus volontiers que les dirigeants du BEA, d'Airbus, d'Air France, de la DGAC (organisme officiel de l'aviation civile) appartiennent au même milieu de l'industrie et du transport aériens. Un petit monde de gens sortis des mêmes grandes écoles, voire dans la même promotion, dont les carrières se croisent d'un organisme à un autre, ce qui ne prédispose pas à mettre en cause ses pairs, ex ou futurs collègues.

Et puis le BEA relève du ministère des Transports, donc d'un État qui, actionnaire minoritaire des groupes privés Airbus et Air France, défend les intérêts des grosses sociétés du pays.

Il ne faut donc pas s'étonner que le BEA a d'abord laissé entendre que, même si elles avaient gelé et ne pouvaient donc plus indiquer la vitesse de l'A330 sur le vol Rio-Paris, les sondes Pitot fabriquées par le groupe industriel français Thales n'expliquaient pas le crash à elles seules. Certes, Air France a reconnu leur responsabilité, puisqu'il a fini par les remplacer sur ses appareils. Mais l'enquête officielle garde le cap : elle s'oriente vers une responsabilité humaine, en tenant les défaillances techniques pour secondaires.

Évidemment, les pilotes ne sont plus là pour se défendre. Et comme les rapports du BEA serviront en justice quand le procès s'ouvrira, tous les espoirs sont permis pour Airbus et Air France, car la justice les a quand même mis en examen pour homicides involontaires.

Alors, le syndicat de pilotes et les familles des victimes ont raison de dire que l'attitude du BEA « jette définitivement le discrédit sur l'investigation technique » et que ses affirmations sont « dépourvues d'objectivité et très orientées vers la défense d'Airbus ».

Quand la direction du BEA, qui a déjà agi de la sorte en d'autres occasions, proteste de son « indépendance », cela doit en faire sourire plus d'un à la tête d'Airbus, d'Air France ou au gouvernement. Mais, face aux énormes enjeux industriels et financiers en termes d'image commerciale et de possible indemnisation des victimes, que pèse la vérité sur les raisons de la mort de 288 passagers et membres d'équipage ?

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