Dette, spéculation, crise : L'absurde spirale19/05/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/05/une-2181.gif.445x577_q85_box-0%2C18%2C158%2C222_crop_detail.png

Leur société

Dette, spéculation, crise : L'absurde spirale

Lorsque, au début mai, la spéculation contre la dette publique grecque a menaçé d'affecter l'ensemble de la zone euro, les chefs d'État des pays concernés, sous la houlette de Merkel et Sarkozy, ont fini par consentir à aider la Grèce à honorer ses dettes auprès des banques françaises et allemandes. Puis, ayant récompensé les spéculateurs en garantissant leurs gains, les présidents ont convié le peuple à respirer, car l'euro était sauvé.

Le répit a été bref, car les spéculateurs, toujours le même petit nombre de grandes banques internationales sans qui rien ne se fait dans la finance, ont commencé à se tourner vers les dettes publiques d'autres États européens. Le 9 mai, les dirigeants de la zone euro ont décidé alors d'un fonds de garantie de 750 milliards d'euros, qui devait permettre à chaque pays attaqué par une spéculation de se défendre. Ils ont même permis à la Banque centrale européenne d'acheter des titres de dette des États. Ce que cette dernière a fait immédiatement, pour un montant de 16,5 milliards d'euros en une semaine, auprès d'institutions financières dont le nom n'est pas révélé. Mais qui d'autre que BNP Paribas, le Crédit Agricole, la Deutsche Bank et leurs semblables peut détenir de telles quantités de dette publique grecque, portugaise et irlandaise ? Quoi qu'il en soit, ces institutions financières ont ainsi vu du papier à la valeur incertaine remplacé par du bon euro sonnant et trébuchant, et prêt à repartir sur le marché spéculatif. La confiance entre banques devait théoriquement s'en trouver renforcée et leur opérations facilitées. Et de fait, grâce à ce sang frais, le cours des actions des grandes banques européennes fit un bond en avant spectaculaire.

Mais ce vaste transfert des caisses publiques des États européens dans les caisses privées des banques européennes a un prix, et les gouvernements ont prévu de le faire payer aux travailleurs par des plans d'austérité dans chacun des pays de la zone euro. Grâce à quoi, l'euro serait vraiment sauvé. Du moins les gouvernements, leurs oppositions parlementaires, les commentateurs autorisés et le FMI l'affirmaient en choeur. Les populations auraient pu respirer... si elles n'avaient pas été en voie d'être étranglées par les plans d'austérité.

Mais voilà que, quatre jours après, les Bourses européennes recommençaient à baisser et l'euro à reculer face au dollar. Cette fois c'est, paraît-il, parce que les plans d'austérité menaceraient la reprise de l'économie réelle. Cette fois les « marchés » seraient préoccupés parce que le remède censé sauver la circulation financière était en train de tuer l'économie productive en appauvrissant ses clients potentiels !

Réunis une fois de plus en urgence lundi 17 et mardi 18 mai, les dirigeants politiques de l'eurozone cherchent dorénavant la pierre philosophale dans des « plans concertés ». Ces derniers permettraient de donner le beurre aux banquiers, en mettant évidemment les populations au pain sec, mais en faisant tout de même tourner l'économie. Cette concertation consisterait à soumettre les projets de budget des divers États européens à la Commission européenne avant leur vote par les Parlements nationaux.

Ce projet a soulevé des protestations de divers bords, au nom de « l'indépendance nationale ». Ce qui prête à sourire car, en guise d'indépendance, les États se soumettent avec un bel ensemble aux décisions des « marchés » et décident les uns après les autres de plans d'austérité absolument similaires. De plus, l'attitude des pays les plus puissants, la France et l'Allemagne, vis-à-vis de la Grèce montre que l'indépendance économique de cette dernière est fort limitée.

Mais, même en admettant que l'Europe parvienne à se donner ce que Lagarde appelle un « gouvernement économique », ce qui est loin d'être fait tant les États et les bourgeoisies peuvent avoir d'intérêts divergents, cela ne ferait que déplacer le problème. Car c'est faire fonctionner le système capitaliste lui-même qui tient de la quadrature du cercle. Sarkozy, Merkel et les autres ne font que courir les yeux bandés derrière les volontés du capital, sans contrôler quoi que ce soit. Et le seul « plan » raisonnable pour sortir de la crise serait la révolution sociale et le contrôle de la population sur l'économie, en commençant par l'expropriation des banques.

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