S'ils veulent réduire la dette, qu'ils fassent payer ceux qui en sont responsables !19/05/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/05/une-2181.gif.445x577_q85_box-0%2C18%2C158%2C222_crop_detail.png

Editorial

S'ils veulent réduire la dette, qu'ils fassent payer ceux qui en sont responsables !

Pendant que les ministres de l'Économie des pays de la zone euro se réunissent pour un énième sommet provoqué par la crise, les plans de rigueur se multiplient en Europe. Après le gouvernement grec, ce sont les gouvernements du Portugal, d'Espagne et du Royaume-Uni qui s'en prennent aux salaires, aux retraites et aux services publics. D'autres suivront.

En France aussi, c'est commencé. Mais, hypocrisie oblige, Fillon se refuse à parler d'austérité ou de rigueur. Pourtant le gel des dépenses de l'État, c'est déjà une mesure d'austérité grave car c'est de l'argent en moins pour les hôpitaux, pour les écoles, pour tout ce qui est utile à la population. Sans parler des retraites, pour lesquelles le gouvernement joue au chat et à la souris en lâchant les informations par petites doses. Mais ce subterfuge ne change en rien le fond : les salariés devront travailler plus longtemps pour toucher des retraites plus petites.

« Il faut sauver les banques », nous a-t-on dit il y a deux ans lors de la crise bancaire. « Il faut sauver l'euro », nous répètent les ministres aujourd'hui. Il y a deux ans, on a dégagé plusieurs centaines de milliards pour sauver le système bancaire et, surtout, les banquiers. Aussitôt sauvés, les banquiers se sont remis à spéculer comme avant, mais cette fois-ci ce sont les États eux-mêmes qui sont devenus leur principale cible. D'autant plus qu'ayant vidé leurs caisses, tous les États étaient endettés jusqu'au cou et ont besoin d'emprunter toujours plus, rien que pour rembourser les échéances de leurs anciennes dettes. Et les paris de se déchaîner sur la capacité de tel ou tel État à rembourser ou non.

Dans ce PMU gigantesque où ne peuvent jouer que les groupes bancaires les plus puissants avec l'argent de la classe capitaliste, on parie à coups de milliards, et on gagne à tous les coups.

Les banques ont justifié le taux d'intérêt usuraire pour prêter à l'État grec par le risque que la Grèce ne puisse pas rembourser. En même temps, elles ont parié que les autres États européens interviendraient pour suppléer à la défaillance éventuelle de la Grèce. Pari gagné : les États européens ont mis 750 milliards sur la table, sous prétexte de sauver la Grèce, puis le Portugal et l'Espagne, mais en réalité pour sauver le placement des banques (dont, pour la Grèce, surtout des banques françaises).

Tout cela, au nom du sauvetage de l'euro ! Mais si les marchés financiers ont exprimé leur joie par l'exubérance des Bourses devant le cadeau qu'on leur a fait, cela n'a duré que quelques jours. Le prix des actions s'est remis à baisser et la monnaie européenne se casse la figure par rapport au dollar.

Le bouquet, c'est que cette nouvelle vague de baisses boursières serait due à l'inquiétude des banquiers devant la situation économique. Ces messieurs les banquiers sont inquiets que les mesures d'austérité prises par les États démolissent un peu plus le fonctionnement de l'économie et que les recettes des États baissent au point qu'ils ne puissent plus rembourser leurs banquiers.

La boucle est ainsi bouclée : les banques ont vidé les caisses des États et les poches des classes populaires. En s'inquiétant du retour de bâton pour elles-mêmes, elles démolissent encore plus l'économie.

« Il faut bien rembourser les dettes », clament les dirigeants politiques et les commentateurs, à plat ventre devant la classe capitaliste. Mais que ceux qui en sont responsables le fassent donc !

Les salariés, les chômeurs, les retraités n'ont jamais vu la couleur de ces centaines de milliards que les États ont déversés dans l'économie. Les gouvernements veulent pourtant les contraindre à rembourser les dettes des autres. Les classes populaires, et avant tout les salariés, les principales victimes, ne pourront empêcher cette infamie que par des luttes collectives puissantes.

Mais il faut surtout que mûrisse la conscience que cette organisation économique, en plus d'être injuste et inégalitaire, est absurde et incontrôlable. La classe capitaliste est non seulement de plus en plus parasitaire et n'apporte rien à la production, à la création de biens matériels et culturels, mais, en choisissant de s'enrichir dans les opérations financières, elle désorganise et démolit l'économie.

Exproprier ces parasites, mettre les banques et les usines sous le contrôle de toute la population est devenu une exigence pour la survie même de la société.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 17 mai

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