Toulouse : La situation plus de trois semaines après l'explosion d'AZF19/10/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/10/une-1735.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Leur société

Toulouse : La situation plus de trois semaines après l'explosion d'AZF

A grande paroisse (azf)

Samedi 13 octobre, Chirac est venu à Toulouse soutenir le maire Douste-Blazy et approuver la délocalisation du site chimique où a eu lieu l'explosion du 21 septembre. Du côté de la direction de l'usine, rien n'est dit pour l'avenir des 450 salariés de l'usine Grande Paroisse (AZF) ainsi que des employés des entreprises sous-traitantes. La seule chose claire que le directeur nous a dite est qu'il fallait... "se prendre en charge" et que nous devions faire corps devant l'adversité !

En attendant, nous ne savons toujours pas ce qui va se passer en novembre. Pour l'instant une majorité de travailleurs s'accrochent encore à l'idée d'un redémarrage de l'usine. Il n'est même pas sûr que le patron le souhaite vraiment. Et il est par contre sûr que c'est ce que ne veulent pas les habitants des quartiers populaires gravement touchés par l'explosion. Mais d'autres travailleurs, encore minoritaires, voient bien que leur intérêt est d'exiger avec les victimes des quartiers que les actionnaires de TotalFinaElf paient pour les salaires, les reclassements équivalents à Toulouse et les réparations.

Extraits du bulletin Lutte Ouvrière (Grande Paroisse - AZF) (16 octobre 2001)

On veut savoir

Le directeur nous répète qu'on est tous dans la même galère. Mensonges ! Pour l'avenir, ceux qu'on veut jeter par-dessus bord, c'est nous. Alors que les gros actionnaires, eux, ne supportent que le risque de se fouler un doigt en comptant leurs billets. Nous avons suffisamment payé jusqu'à présent, par notre travail qui a fait leur profit, par nos victimes, nos blessés et nos infirmes à vie. Alors, que les gros actionnaires, eux aussi, supportent les conséquences en participant à notre problème. Qu'ils mettent la main à la poche pour nous garantir le salaire ou nous trouver des reclassements équivalents à Toulouse, en conservant la même ancienneté, la prime d'alternance et le reste, qu'ils paient les plus anciens intégralement jusqu'à la retraite, qu'ils garantissent l'emploi et le salaire des autres salariés du site, des sous-traitants ! Qu'ils nous démontrent qu'ils sont dans la même galère que nous ! Qu'ils puisent dans leurs 50 milliards de profits !

Ce serait utopique ? Ce qui serait utopique, c'est de croire qu'on redémarrera l'usine comme avant contre l'avis de la population. L'utopie c'est de croire qu'on n'y laissera pas des plumes en laissant faire nos patrons qui ont un portefeuille à la place du cerveau, ou en faisant confiance à leurs promesses. Il suffit de regarder comme on traite les ouvriers de Moulinex, d'AOM, de Bata dès qu'il y a eu le moindre problème : pertes de salaire, reclassements bidon, licenciements déguisés, et l'ANPE pour la plupart.

L'usine a explosé et, dans les quartiers populaires, personne n'en veut plus. Mais nous ne sommes pas mariés à GP pour le meilleur ou pour le pire. D'ailleurs nous avons déjà eu le pire. Si nous ne voulons pas faire partie des dégâts collatéraux de l'explosion de l'usine, la seule perspective d'avenir est de se battre pour faire payer les gros actionnaires de TotalFinaElf. Nous aurions ainsi le soutien de tous et nous pourrions gagner.

"Risque zéro"

Certains disent que le "risque zéro" n'existe pas. Et au nom de cela, il faudrait lever les bras au ciel, s'en prendre au destin, à la fatalité. La DRIRE a vérifié ce qu'on a bien voulu lui montrer. Le CHS a fait ce qu'il a pu. Et le patron a fait ses choix et a pris ses responsabilités. Et si le risque zéro n'existait pas à GP, c'est à cause de ces choix. Combien de fois a-t-on dû les avertir ou même se battre pour imposer qu'on respecte les conditions de travail qui sont la garantie de la sécurité ?

Un seul exemple

Nous nous sommes battus contre les réductions d'effectifs, nous avons averti dix fois plutôt qu'une de ce que la politique de gains de productivité faisait courir comme risques, nous avons dénoncé avec les syndicats et le CHSCT la manière dont ils masquaient les problèmes relatifs aux conditions de travail. Nous avons même fait grève. Rappelons-nous comment, fin 1999, il a fallu se battre pour imposer nos exigences en matière de sécurité.

Tract CGT-CFDT du 23/11/1999 : "Pour la sécurité et l'emploi... Aujourd'hui, nous manifestons donc à nouveau pour refuser que l'application d'insignifiantes mesures de productivité mettent en danger la sécurité de l'usine..."

Tract CGT/CFDT du 24/11/1999 : "Pour la sécurité, l'emploi. Tous ensemble ! Ce mercredi, devant le refus persistant de la direction à discuter, le personnel SIS a décidé de poursuivre son action aux portes de l'usine, contre la suppression d'emplois au poste incendie, la modification de l'organisation du poste, la dégradation de la sécurité sur l'usine, la poursuite de la liquidation du service sécurité".

Nous ne sommes en rien responsables de ce qui est arrivé. Ils savaient, ils étaient avertis. Qu'ils paient maintenant !

Mais que fait l'État ?

Jospin a versé 1,5 milliard de francs pour l'aide aux sinistrés. Chirac est venu appuyer Douste-Blazy pour la délocalisation du site. Mais l'un et l'autre n'ont rien à dire aux dirigeants de TotalFinaElf. L'un et l'autre sont du même côté du manche, celui du patronat. L'État aurait pourtant tout à fait les moyens de mettre les biens et capitaux des gros actionnaires sous séquestre, en garantie du paiement des salaires et des réparations dans les quartiers touchés.

A la cité du Parc

La situation à la cité du Parc au Mirail est à l'image de ce qui se passe dans la plupart des quartiers populaires touchés par l'explosion. Dans cette cité où 100 familles ont été évacuées après la destruction d'un bâtiment, à la date du vendredi 12 octobre seulement 9 familles ont été relogées : une à Toulouse, quatre en HLM à Montauban à 40 kilomètres de Toulouse et quatre dans des mobil-homes. 32 familles s'entassent encore dans les centres de loisirs de la ville de Toulouse. Par contre une solution radicale a été trouvée pour deux Bulgares hébergés dans un des centres de loisirs : ils ont été expulsés pour défaut de papiers. On propose sans rire des logements à Montpellier, à Limoges, et à... Mulhouse. Une Marocaine a répondu sur le même ton : "Tant que vous y êtes, vous ne pouvez pas me proposer un appartement au Maroc ?"

Aucune proposition n'est plus faite pour des relogements à Toulouse, si ce n'est dans des mobil-homes qui doivent arriver au rythme de quinze par semaine.

Concernant les déménagements, qui doivent être effectués avec une nacelle, une association a été mandatée par la mairie pour les effectuer. Le représentant de la mairie a assuré que cette association serait financée pour pouvoir embaucher en CDD des manoeuvres pour aider aux déménagements. Ce qui est tout simplement aberrant, car ce travail qui doit être réalisé dans des conditions très difficiles ne peut être sérieusement confié à des non-spécialistes et à des bénévoles. Quant aux meubles, ils devraient être stockés dans des garde-meubles, mais on ne sait ni quand, ni où...

Concernant les travaux, alors que - de l'avis général - les procédures mises en place ne permettront pas de remplacer les fenêtres avant janvier pour tous, le préfet et la mairie n'envisagent toujours pas de mettre en place les procédures d'urgence qui seules permettraient de calfeutrer les appartements avant l'hiver.

Vendredi 12 octobre à la réunion des experts des différentes parties (assurances, copropriétés) aucun accord n'a été trouvé sur le montant des différents devis, interdisant par là même tout démarrage de travaux.

Il est donc malheureusement vraisemblable que la grande majorité des familles passeront cet hiver avec du contreplaqué et du plastique sur les fenêtres. Les différentes entrevues avec l'adjoint de Douste-Blazy ou le sous-préfet n'ont abouti à rien.

Dans la cité, les habitants ont continué à se réunir à 30 ou 40 plusieurs fois par semaine, et ont renouvelé leurs exigences :

Que l'Etat utilise tous ses moyens pour :

- La réquisition autoritaire des appartements vides de Toulouse et leur attribution aux sinistrés,

- Le mandatement autoritaire d'une entreprise de déménagement pour aider les relogés à déménager par les fenêtres avec une nacelle,

- Le mandatement autoritaire d'une entreprise de menuiserie et d'une vitrerie pour remplacer en urgence toutes les fenêtres et les vitres cassées.

Il a été décidé d'organiser une marche de protestation vers la mairie de Toulouse, mercredi 17 octobre, avec les familles pour faire cesser cette situation scandaleuse.

Les pseudo-"réquisitions"

Le préfet et la mairie de Toulouse ont mis en place une cellule de relogement censée proposer rapidement un toit aux 800 familles évacuées suite à la catastrophe du 21 septembre.

Cette cellule, respectueuse des règles du marché, espère résoudre les besoins urgents des familles par une application des lois de l'offre et de la demande. De fait, son rôle s'est borné à établir la demande des logements (en de multiples exemplaires...) et à constater l'absence d'offres. En effet celles émanant des bailleurs et des agences immobilières se sont taries dès la première semaine. Depuis, il n'y en a plus du tout, les propriétaires préférant spéculer à la hausse hors de vue des institutions.

Les seules réponses effectives sont des mobil-homes qui n'arrivent que maintenant au rythme de 15 par semaine, et ne conviennent que pour des familles n'excédant pas quatre personnes.

Restent les fameuses réquisitions de logements décidées par décret du préfet datant du jeudi 4 octobre. Il s'avère qu'il s'agit d'un leurre absolu. Le préfet a demandé le listing des appartements vacants depuis plus de deux ans. Il ne l'a obtenu que le mercredi 10 octobre. Ensuite les services de la mairie doivent contacter le propriétaire et faire une visite avec lui. Si le propriétaire n'est pas "contactable" ou refuse de donner les clefs, la procédure s'arrête... Si le service de la mairie peut entrer dans l'appartement, il évalue si celui-ci est habitable, et un autre service négocie avec le propriétaire un prix de loyer. A ce moment-là le propriétaire a un mois pour dire s'il accepte ou non de loger une famille évacuée. Il peut refuser s'il trouve une bonne raison, et il y en a des tas. Et s'il accepte le maire doit donner un avis favorable...

Autant dire que la procédure a des sorties possibles à tous les niveaux et, si elle va jusqu'à son terme, elle durera au moins un mois et demi. Elle n'a aucun caractère contraignant et encore moins d'urgence.

Il y a un autre décret permettant de réquisitionner directement, pour des cas d'extrême urgence, mais le maire n'a pas utilisé cette possibilité... "parce qu'elle serait très fragile juridiquement" a-t-il fait savoir aux comités des résidents. Ce qui signifie que les tribunaux pourraient en toute légalité casser cette décision au nom de la défense sacrée de la propriété privée.

S'il y a une chose qui est respectée dans notre société c'est bien cette propriété privée, qui passe bien avant le respect des droits élémentaires de la population, parmi lesquels celui d'avoir un appartement digne de ce nom.

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