La privatisation de la SFP : Encore un projet de Juppé que Jospin réalise19/10/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/10/une-1735.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Leur société

La privatisation de la SFP : Encore un projet de Juppé que Jospin réalise

Le ministère de la Culture et celui de l'Economie et des Finances ont annoncé "la cession de la SFP" (la Société française de production télévisée), en fait sa remise à prix cadeau à un magnat de la finance et des affaires, Vincent Bolloré.

La SFP date de 1974, quand Giscard d'Estaing décida de "réformer" l'ORTF. Il s'agissait d'éclater l'organisme de la télévision publique d'alors en trois chaînes concurrentes et un organisme de production afin que les capitaux privés prennent plus facilement pied dans ce secteur. Pendant des années, l'Etat avait créé et développé la télévision sur des fonds publics. Lorsque la majorité des foyers disposa d'un "petit écran", l'Etat ouvrit un boulevard à son utilisation par la publicité, puis engagea la privatisation d'un domaine devenu alléchant pour les intérêts privés.

En 1987, la remise à Bouygues de la "première chaîne" ne fut que l'aspect le plus visible de ce processus. On donna le feu vert à la multiplication des chaînes privées et à l'envahissement des chaînes publiques par le privé. En matière de production, la concurrence privée, grandement aidée par les autorités de tutelle, eut pour résultat de dépouiller la SFP d'une partie de ce qu'elle possédait (dont ses célèbres studios des Buttes-Chaumont qui firent ainsi les beaux jours de promoteurs).

En 1996, Juppé avait estimé le moment venu de la privatiser. En 1997, l'arrivée de la gauche aux affaires donna un répit à la SFP, mais sans rien changer sur le fond. Ses effectifs fondirent de moitié, elle dut vendre ses studios de Paris et, en mars 2001, la ministre "socialiste" de la Culture annonça sa prochaine privatisation. Comme pour Air France et d'autres sociétés publiques, ce dont Juppé avait rêvé, Jospin le réalise. Et à nouveau, en beurrant les deux faces de la tartine offerte.

C'est évidemment parce que la privatisation de la SFP est un énorme cadeau fait au privé, que Jospin et son équipe ne s'en vantent guère. Qu'on en juge.

Bolloré Investissements et Euromédia Télévision emportent le tout pour 30 millions de francs. "Même pas le prix d'un car numérique" de la SFP, déclare un de ses salariés au journal L'Humanité. Pour ce prix, Bolloré fait en outre main basse sur 160 millions de francs que la SFP a en trésorerie, à quoi s'ajoute au moins autant en actifs (locaux, matériel, etc.).

Bolloré devait déjà au chargement maritime, à l'exploitation de richesses agricoles et forestières de l'Afrique, à la banque et la finance d'être une des cinquante premières fortunes du pays. Il va pouvoir ajouter les médias à son palmarès (il envisage déjà de lancer une chaîne numérique) et... de nouveaux milliards à ses comptes en banque. Le tout, avec la bénédiction de Jospin.

Pierre LAFFITTE

Anticommunisme grossier : "comment en finir avec le communisme" sur Arte...

Le titre de l'émission programmée sur Arte le mardi 16 octobre, "En finir avec le communisme" ne laissait pas d'ambiguïté sur les intentions de ses concepteurs, d'autant que le montage destiné à introduire le débat s'intitulait "La faute à Lénine". Restait à illustrer ce choix, en s'inspirant de la technique des films d'épouvante, à l'aide d'images prises hors du contexte et en faisant se télescoper les événements et les périodes pour impressionner.

L'un de ses auteurs, l'inévitable Stéphane Courtois, qui a commis, avec d'autres, le Livre noir du communisme n'a pas failli à sa réputation. Le montage menteur qu'il a présenté est, comme son ouvrage, fondé sur les amalgames et les raccourcis tendancieux. Lénine y est présenté par une caricature bâclée. Marqué, nous dit-on, par l'exécution, quand il avait seize ans, de son frère accusé d'avoir participé à un attentat contre le Tsar, par la lecture de l'oeuvre de Netchaïev, théoricien du terrorisme contre le tsarisme, il rumine sa revanche contre l'ordre social.

Les auteurs de ce montage ne pêchent pas par l'honnêteté intellectuelle. Parler par exemple de la Révolution d'Octobre en Russie, sans même évoquer le régime féodal qu'elle a abattu, ni la misère et l'arriération du pays, ni la Première Guerre mondiale, cette boucherie à laquelle le peuple russe payait un très lourd tribut, sans même dire un mot de cette guerre civile à laquelle le nouveau pouvoir fut confronté durant près de deux ans, qui se sont ajoutés aux dévastations, matérielles et humaines de la guerre mondiale - guerre civile appuyée par les dirigeants "civilisés" de la France et de l'Angleterre - il faut oser le faire !

Parler de la famine que connut le jeune Etat ouvrier en 1921-22, en omettant de mentionner le blocus instauré par les grandes puissances pour affamer la Russie, s'inscrit dans une même volonté de dénigrement. Volonté que l'on retrouve dans la sélection des citations de Lénine, choisies pour montrer que Lénine aurait été un obsédé de la répression, et Staline, son continuateur. Cela relève du montage. Surtout que ces "historiens" occultent délibérement le combat de Lénine contre la dégénérescence stalinienne, le combat à mort de ceux qui s'opposèrent ensuite à cette dégénérescence, dénoncée dès 1923 par des dirigeants de la Révolution, en particulier par Trotsky, qui sut analyser, dénoncer, mais surtout combattre le stalinisme sans la moindre concession, au prix de sa vie. Il suffit de lire ou de relire ses ouvrages écrits dans les années trente, La révolution trahie, qui date de 1936, la biographie de Staline, qu'il ne put achever, assassiné par un sbire de ce même Staline, pour en savoir bien plus sur les horreurs du stalinisme que n'en révèlent aujourd'hui, dans le confort d'une notoriété médiatique, les Courtois et autres.

Le reportage qui suivait, présentait des militants et des organisations qui avaient encore "l'audace" ou "l'inconscience", "la naïveté", selon les termes du commentateur, de se réclamer, encore, du communisme. On y retrouvait cette même volonté d'amalgame et de dénigrement.

Et pour commenter ce thème choisi par Théma, on avait rassemblé, un écrivain russe ex-dissident, ainsi que Jorge Semprun, stalinien défroqué, reconverti depuis dans la gestion ministérielle dans le gouvernement socialiste en Espagne, Cohn-Bendit, trublion professionnel, reconverti dans la défense du libéralisme en Europe, et Simone Veil qui, chacun à sa façon, qualifièrent ceux qui se réclament aujourd'hui des idéaux communistes de "naifs" porteurs d'idées pas toutes mauvaises, mais qui peuvent amener au pire, à l'insu même de ceux qui les défendent.

Merci de l'avertissement. Mais Lénine, Trotsky et d'autres ont suffisamment mis les révolutionnaires en garde contre les risques de la révolution, mais surtout contre le risque de ne pas la faire et de laisser l'ordre capitaliste en place, pour qu'on puisse se passer des conseils paternalistes de ces gens qui se satisfont de l'ordre établi.

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