Les pays pauvres, malades du capitalisme19/10/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/10/une-1735.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Dans le monde

Les pays pauvres, malades du capitalisme

Chaque année, plusieurs millions d'habitants des pays pauvres meurent, victimes de maladies que les progrès de la médecine et de la biologie devraient permettre de soigner. C'est ce que confirme une fois de plus une récente enquête de Médecins Sans Frontière.

Même quand des traitements existent, c'est-à-dire surtout dans le cas de maladies frappant également les pays développés, leur prix les rend de toute façon inaccessibles aux malades du Tiers Monde. C'est le cas des antirétroviraux pour le Sida, mais aussi par exemple des médicaments permettant de traiter une méningite ou une affection des voies respiratoires.

Mais pour les maladies touchant spécifiquement les pays pauvres, comme la maladie du sommeil ou la leishmaniose, il n'existe bien souvent aucun médicament véritablement efficace. Les trusts de la pharmacie s'en désintéressent totalement et ont abandonné quasiment toute recherche en la matière. Entre 1975 et 1999, seuls 13 médicaments sur les 1 393 qui ont été lancés concernent ces maladies tropicales. A l'heure actuelle, moins de dix programmes de recherche sont en cours à leur sujet dans le monde, les laboratoires préférant de beaucoup investir dans des recherches plus prometteuses en terme de rentabilité financière, comme le traitement de l'impuissance masculine ou du vieillissement.

Cela est d'autant plus scandaleux que les progrès considérables faits en biologie ces trente dernières années permettraient certainement de découvrir de nouveaux vaccins ou des traitements efficaces. Mais c'est d'avant ces découvertes que datent presque tous les produits utilisés contre ces maladies, qui ont en fait été commercialisés à l'époque coloniale. Cela n'est paradoxal qu'en apparence. Il y avait alors sous les tropiques des millions d'Européens pouvant payer, colons et officiers des armées d'occupation.

Aujourd'hui, il existe des découvertes théoriques qui d'après les chercheurs pourraient permettre de trouver rapidement de nouveaux médicaments contre la maladie du sommeil ou la leishmaniose, cette affection détruisant les muqueuses respiratoires qui touche 400 000 personnes en Afrique, en Asie ou en Amérique du Sud. Elles ne sont exploitées par aucun laboratoire. Il n'y a encore aucun médicament contre des infections à l'issue fatale, comme la maladie de Chagas par laquelle sont contaminées 18 millions de personnes dans toute l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud. Rien n'est programmé pour qu'un jour on puisse les guérir. Et contre d'autres maladies, les médicaments découverts à l'époque coloniale sont devenus en grande partie inopérants, suite à l'apparition de souches résistantes que l'on reste incapable de combattre, faute d'un travail de recherche élémentaire.

On voit même certains trusts arrêter la production des quelques nouveaux médicaments produits, faute de rentabilité. C'est ce qui s'est passé pour la maladie du sommeil. Le seul traitement aujourd'hui disponible, le mélasoprol, date de 1949. Outre qu'il n'est pas toujours efficace, c'est un dérivé de l'arsenic dont les effets secondaires sont redoutables et s'apparentent à un empoisonnement de l'organisme. La production d'un traitement plus récent, sûr et efficace, l'eflornithine, a été arrêtée en 1995, faute de rentabilité.

C'est ainsi que chaque année, en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud, des millions d'hommes de femmes et d'enfants meurent de maladies qui devraient avoir été éradiquées depuis longtemps. Victimes du paludisme, de la maladie du sommeil, de la leishmaniose ou de la maladie de Chagas, mais victimes surtout de l'organisation capitaliste de la société. Car c'est elle qui fait que les habitants des pays les plus pauvres sont complètements abandonnés à eux-mêmes, trop démunis pour payer les médicaments à un prix qui rapporterait suffisamment aux actionnaires des trusts pharmaceutiques.

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